法语助手
2018-02-19
Quand on demande autour de soi "Que cherches-tu dans la vie ?", la réponse classique, c'est : être heureux.
Et c'est la bonne réponse, la seule réponse parce qu'il s'agit probablement d'une des questions les plus difficiles.
Mais quand on gratte un peu dans le bonheur, il y a souvent un petit mot de bas de page qui concerne la thune.
"Je veux avoir assez d'argent pour être tranquille à ce niveau-là" Et comme je voulais en savoir plus sur le sujet, je vous avais demandé si, pour vous, l'argent contribuait au bonheur, dans une petite vidéo.
En plus des nombreux résultats au sondage, c'est surtout vos réponses qui m'ont intéressé pour voir les idées que vous aviez sur la question.
Alors, l'argent fait-il le bonheur ?
Quand j'ai commencé mes recherches, le 1er truc sur lequel je suis tombé, c'est ça. . .
3 points écrits par Easterlin, célèbre économiste du bonheur qui, après avoir étudié les données de plusieurs pays, nous dit que : Dans un pays, les individus les plus riches tendent à être plus heureux que les plus pauvres, mais que dans le même temps, les pays les plus riches ne sont pas les plus heureux, ou ne sont pas forcément beaucoup plus heureux que les plus pauvres, et que quand les pays s'enrichissent, leur population ne devient pas forcément plus heureuse.
Cette découverte est un paradoxe.
Pourquoi la population d'un pays riche (donc plein de gens riches, donc beaucoup plus heureux) n'est-elle pas plus heureuse que celle d'un pays pauvre, plein de pauvres ?
Et pourquoi un pays qui s'enrichit ne devient-il pas plus riche. . . heureux ?
Easterlin pour concilier ces 3 points, Easterlin explique qu'un individu compare sa situation à celle de ses voisins pour estimer son bonheur.
Donc, je ne suis pas plus heureux dans l'absolu.
Ce n'est pas simplement parce que j'ai 10 000€ que je suis plus heureux, mais si j'ai 2 000€ de plus que mes voisins, alors je pense m'en sortir pas trop mal par rapport à eux, et ce serait de là que vient mon bonheur.
Il y a aussi un autre mécanisme dont parle Easterlin, c'est le tapis roulant hédonique et c'est la traduction littérale en anglais mais je la trouve assez drôle, donc je l'ai mis là.
En gros, c'est le principe qui fait que les gens s'adaptent très vite à une nouvelle situation.
Un individu qui gagne plus d'argent va très vite considérer ce fait comme normal et son bonheur va se calibrer dessus.
En bon français, on appelle ça l'adaptation hédonique.
C'est quelque chose qui a été observé en 1978 chez les gagnants d'une loterie, et juste après avoir reçu leur gain, ils se déclarent particulièrement heureux.
Mais très vite, leur satisfaction revient au niveau proche de celle qu'ils avaient avant leur gain.
Bref, en regardant ces 2 études, le lien entre bonheur et argent semble plutôt faible.
Par contre, ces 2 observations datent des années 70/80 et je me suis donc demandé s'il y avait un peu de nouveauté sur le sujet.
Surtout que depuis, et sans doute grâce à des gens comme Easterlin, il y a eu un boom de la welfare economics, de la happiness economics, et de tout plein d'autres champs d'études qui s'intéressent de près à ce qui se passe dans la tête des gens, à leur portefeuille, à leur bonheur, à leurs actions, à leurs comportements, etc.
C'est à ce moment-là que j'ai été pris d'un doute, je ne savais plus du tout où mon épisode allait, il faut passer à autre chose, dire stop à cette démarche étrange de parler à une caméra.
Alors, je rêve d'un ailleurs, je me demande "Où les gens sont-ils le plus heureux au monde ?" J'imagine ce fameux pays super pauvre, mais où l'on rit tout le temps.
Par réflexe, je recherche. . .
Le Danemark ?
OK, le Danemark.
Moi j'y crois moyen, d'ailleurs comment obtient-on un classement comme ça ?
Et comment mesure-t-on un truc aussi abstrait que le bonheur ?
Eh bien en vrai, c'est assez simple, il suffit de le demander.
Sur une échelle de 0 à 10, 0 étant la pire vie imaginable et 10 la vie de tes rêves, où situes-tu ta situation personnelle ?
Et comme j'ai la possibilité de te poser la question, je vais en profiter, il suffit de cliquer ici. . .
Je t'invite donc à cliquer sur 'pause', à revoir toute ta vie en accéléré, et à donner une note à tout ça.
Maintenant, si tu as réfléchi un peu à la note que tu veux donner, tu vas peut-être me dire que c'est quand même vachement subjectif.
Une vie à 1, est-ce celle d'un mec qui meurt de faim dans un pays en guerre, ou est-ce que c'est celle de quelqu'un qui galère en France parce qu'il ne trouve pas de travail et qu'il vient de se faire larguer ?
On est d'accord : c'est subjectif.
Reste qu'aujourd'hui, on n'a pas vraiment mieux pour mesurer le bonheur.
Et ça permet quand même d'avoir une mesure de la satisfaction de vie de chaque individu.
Il y a une autre technique qui consiste à estimer le bien-être émotionnel.
Cette fois-ci, on demande aux gens combien de fois ils ont ressenti de la joie, de l'affection, du stress, de la tristesse, ou même de la rage pendant les derniers jours.
L'objectif est d'avoir une mesure du bien-être différent et surtout plus facilement comparable entre les pays, et là encore, on est d'accord que c'est loin d'être parfait mais c'est aussi ce qui se fait de mieux.
Je reviens sur mon pays du bonheur : le Danemark.
Maintenant on sait comment a été fait le classement, mais pour l'instant je ne sais pas grand chose sur la richesse de ce pays.
J'ai donc continué à chercher jusqu'à tomber sur des études plus récentes qui font le lien entre richesse et bonheur.
Ce graphe a été réalisé par Angus Deaton, qui a reçu le Prix Nobel d'économie en 2015, en partie pour ses recherches sur le bonheur.
Et les données viennent de Gallup, un organisme qui conduit des sondages à très grande échelle en posant les mêmes questions partout dans le monde.
Quelque chose qui n'existait pas dans les années 70 quand Easterlin a commencé ses recherches.
À la verticale, on a la réponse à notre question "Sur une échelle de 0 à 10, où places-tu ta situation personnelle ?" C'est donc la satisfaction de vie.
Puis à l'horizontale, on a le PIB/habitant, donc une indication de la richesse des habitants et la taille des bulles représente la taille des populations des différents pays.
Ce que l'on voit clairement ici, c'est une relation entre la richesse et la satisfaction de vie.
C'est la ligne en pointillés.
Et ça clashe quand même pas mal avec le paradoxe d'Easterlin qui nous disait qu'il n'y avait pas forcément de différence de bonheur entre pays pauvres et pays riches.
Parce que là, en plus de voir une grosse différence entre pays pauvres et pays riches, on voit aussi une corrélation.
À chaque fois que le PIB/habitant double, la satisfaction de vie augmente d'autant.
Deux autres économistes, Justin Wolfers et Betsey Stevenson, arrivent aux mêmes conclusions.
Mais eux souhaitent vraiment remettre en question le paradoxe d'Easterlin en pointant le peu de pays étudiés et la qualité des données de l'époque.
Et au final, leurs conclusions sont vraiment différentes de celles d'Easterlin, selon eux.
Les individus les plus riches sont plus heureux que les plus pauvres.
Deuxièmement, la population des pays riches est plus heureuse que celle des pays pauvres.
Et troisièmement, les pays, en s'enrichissant, deviennent de plus en plus heureux.
Par contre, les auteurs de cette dernière étude précisent bien que ça ne remet pas en cause l'adaptation hédonique, ou la comparaison entre les individus qui ne jouerait aucun rôle.
C'est simplement que ces effets ne seraient pas si importants que ce qu'Easterlin avait décrit.
En plus de ça, il note que l'argent n'est pas le seul élément qui a une emprise sur le bonheur et ça, on s'en doute un peu.
On peut penser par exemple à la culture.
D'ailleurs les Français déclarent une satisfaction de vie inférieure à ce qu'on pourrait attendre d'un pays aussi riche.
Et on trouve la même situation chez les populations des pays d'Europe de l'est qui déclarent généralement une satisfaction de vie inférieure, alors que de l'autre côté, les habitants des pays d'Amérique latine déclarent une satisfaction de vie généralement beaucoup élevée par rapport à leur PIB/habitant.
Jusqu'à maintenant, je comparais différentes populations de pays mais que se passe-t-il quand on zoome un peu ?
Ce que disent ces commentaires, c'est qu'une augmentation de revenu de 1€ a plus d'effet sur le bonheur des individus les plus pauvres que sur celui des plus riches.
Donc, passé un certain revenu, plus d'argent ne signifie pas forcément plus de bonheur, ou du moins pas beaucoup.
Dans ce cas, on dit que l'utilité marginale de chaque euro en plus est décroissante, et pour bien comprendre ce concept, tu as juste à te préparer une portion gigantesque de ton plat préféré, puis de noter sur un carnet le plaisir pris à chaque bouchée.
Normalement, le 1ère bouchée doit avoir une meilleure note que la 2 468ème.
Chaque bouchée est identique et pourtant, le plaisir pris diminue petit à petit.
Et en gros, ça serait la même chose pour le lien argent/bonheur.
Augmenter d'1€ un revenu de 200€/mois aurait plus d'impact que 1€ sur 4 000€/mois.
Et si on regarde le travail d'Angus Deaton et de Daniel Kahneman, on voit la progression de la satisfaction de vie en fonction des revenus individuels et la conclusion qu'on peut en tirer, en regardant simplement ça, c'est que. . . non, les commentaires ont faux.
À moins de changer la question par celle où on demande le nombre de fois où les gens ont ri, pleuré, ou ont été stressés (c'est le bien-être émotionnel), il y a eu là une image différente qui émerge.
Quand on pose cette question, on voit un palier.
Passé un certain revenu, on ne rit pas plus, on est aussi stressé et on est triste aussi souvent.
Et si le palier a 75 000$/an, ça veut dire que chaque dollar en plus permet d'être émotionnellement mieux jusqu'à ce point.
Passé ce point, rien. Les dollars en plus ne servent pas à grand chose, en tous cas par rapport au bien-être émotionnel.
Cette différence est quand même intéressante, ça veut dire que, passé un certain point, on se déclare plus heureux sans que nos émotions suivent cette déclaration.
Pour revenir à la question du début : "L'argent fait-il le bonheur ?", Si on regarde au niveau international, on pourrait répondre "Oui, un pays plus riche tend à être plus heureux".
Mais en fait, il faudrait surtout dire "Le truc qui fait qu'une économie se développe semble aussi avoir un effet positif sur la satisfaction de vie des gens qui en font partie." Mais ce n'est pas le cas partout.
Aux États-Unis, l'augmentation du PIB/habitant n'augmente pas la satisfaction de vie des Américains.
Une 1ère explication, c'est que dans les pays avec un PIB/habitant déjà élevé, la satisfaction de vie augmenterait de plus en plus difficilement.
Une 2ème explication, c'est que les inégalités pourraient annuler l'augmentation de la satisfaction de vie.
Si les effets de la croissance profitent principalement à un petit nombre de gens, on ne risque pas d'avoir d'impact au niveau de la population entière.
Sans compter que ça signifie aussi vivre dans une société où ton voisin gagne en 1h ton revenu mensuel.
Et là-dessus, il y a peut-être de quoi perdre quelques points de satisfaction de vie.
Au final, il est toujours bon de se rappeler que la richesse n'est pas le seul facteur du bonheur.
D'autres travaux académiques expliquent que la génétique, les relations sociales, ou même les libertés individuelles, jouent un rôle très important.
En faisant ce sujet, j'ai pu lire plein de trucs vraiment intéressants et que je n'ai pas pu aborder dans l'épisode parce que c'est quelque chose de plus en plus étudié, et donc il y a de plus en plus de choses à en dire.
Par exemple, dépenser son argent de manière pro-sociale, donc pour les autres, serait un bon moyen d'être plus heureux.
Dans le même genre, une étude a montré que donner pour une association caritative permet d'augmenter son bonheur de manière temporaire en relâchant de l'endorphine.
Donc ça explique un peu le 1er point.
Et puis un autre petit truc : chaque euro n'aurait pas le même effet sur le bonheur en fonction de sa liquidité.
L'argent disponible sur un compte bancaire rendrait plus heureux que de l'avoir sous forme de capital, comme une maison, par exemple.
Et pour ceux qui sont restés jusqu'au bout et qui me maudissent de ne pas avoir parlé des indicateurs du bonheur, je vais en parler un jour, mais c'est un sujet en lui-même et je ne voulais le mélanger, l'intégrer à celui-ci.
Voilà, c'était . . .
Stupid Economics ! Sur ce, . . .
Bon alors, on recommence. . .
Et pour ceux qui sont restés jusqu'au bout, déjà merci !
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