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Les femmes votent plus à gauche et les hommes plus à droite.

C'est en partie vrai, mais en partie seulement.

Et surtout, ça n'a pas toujours été le cas.

Avant, c'était même le contraire.

Avril 1945, les femmes votent pour la première fois en France.

Elles sont peu nombreuses à aller aux urnes,
mais quand elles le font, c'est davantage pour les partis conservateurs
comme le MRP, parti démocrate chrétien.

28% des électrices ont voté pour ce parti, contre 23% des électeurs.

Contrairement à une idée reçue,
des partis conservateurs soutiennent l'octroi du droit de vote aux Françaises.

Les partis conservateurs pensaient pouvoir bénéficier électoralement
de la création d'un nouveau électorat féminin, et vice-versa,
les partis progressistes, "les Républicains",
craignaient cette création d'un nouveau électorat féminin
qui ne leur était peut-être pas favorable.

Quand il y a des différences de vote en fonction du genre, on appelle cela:
un "gender gap".

Et dans les années 1940-1950, ce gender gap était assez marqué:
les femmes étaient plus de droite.

C'était un reflet de leur position dans la société à l'époque,
c'est-à-dire qu'elles étaient, en général, dépendantes des hommes,
d'un point de vue économique.

Elles étaient aussi beaucoup plus religieuses
à cause de leur éducation à l'époque,
mais elles étaient aussi beaucoup moins diplômées
que la nouvelle génération de femmes le sont aujourd'hui.

-Vous avez des enfants ? -Oui.

-Vous travaillez ? -Oui.

-Alors vraiment, vous n'avez guère de temps pour vous occuper de politique?

-Non, non, mais je vais voter régulièrement.

Autour des années 1970, ces différences se gomment,
hommes et femmes votent à peu près pareil.

Jusqu'à ce que la tendance s'inverse et que les femmes votent plus à gauche.

Pourquoi ?

Et bien parce que plus de femmes ont commencé à faire des études.

On sait aujourd'hui que les études, ça rend plus sensibles aussi aux inégalités.

La lutte contre les inégalités est historiquement portée par des parties de gauche.

Mais c'est aussi parce que les nouvelles générations se détachent de la religion.

Et surtout, les femmes sont entrées sur le marché du travail.

Qu'est-ce que ça fait quand on arrive sur le marché du travail?

on rencontre des syndicats,
on commence à se poser des questions sur les inégalités entre hommes et femmes,
mais aussi entre cadres et employés.

Et effectivement, cet effet de travail
a dû aussi se traduire dans les urnes.

Un dernier facteur, plus culturel cette fois,
concerne les femmes qui sont nées dans les années 1960-1970:
c'est le féminisme.

Car ces femmes ont grandi avec des mouvements féministes
et une partie d'entre elles se sont approprié les valeurs qu'il porte.

Ce qui a pu aussi influencer leur vote
dans le sens où ils allaient vers les partis
qui justement soutenaient les mouvements féministes,
qui soutenaient l'égalité femmes-hommes.

Ces différences sont encore plus marquées dans d'autres pays occidentaux,
mais en France, elles se sont estompées,
pour revenir seulement ponctuellement.

Si seules les femmes avaient voté,
Jean-Marie Le Pen ne serait pas arrivée au deuxième tour de l'élection présidentielle.

Mais ce gender gap s'est effacé avec l'arrivée de Marine Le Pen
à la tête du parti d'extrême droite.

Aujourd'hui, il n'y a presque plus de gender gap sauf...
chez les jeunes électeurs:
en 2022, les jeunes femmes de 18 à 34 ans
ont plus voté pour Jean-Luc Mélenchon.

Même chose en 2024, les jeunes femmes ont plus voté pour Manon Aubry.

Ce qu'on peut observer en France, aujourd'hui,
c'est que depuis deux ans,
le baromètre sur l'état du sexisme en France
montre qu'il y a une partie de jeunes hommes
qui ont visiblement des idées plus réactionnaires
concernant l'égalité de genre que les femmes de leur âge.

Une raison pour laquelle
on n'observe cela pas dans d'autres groupes d'âge
pourrait être que ces questions-là,
c'est-à-dire les enjeux de genre,
sont plus fortement politisés
parmi les jeunes générations que les anciennes générations.

Sans oublier le rôle des réseaux sociaux, bien sûr.

Le pire truc qui puisse arriver quand tu commandes un taxi,
c'est que le conducteur soit en fait une femme.

Mais aussi le rôle du travail:
jeunes hommes et jeunes femmes
n'ont jamais autant été mis en compétition qu'aujourd'hui.

Et cette compétition peut effectivement être instrumentalisée
par des entrepreneurs de cause qui, justement,
vont alimenter un conflit en disant que c'est la faute du féminisme
si aujourd'hui les jeunes hommes ont du mal à trouver un travail
ou ont du mal à trouver un travail pérenne.

Et pour approfondir, vous pouvez écouter cette émission de France Culture.