法语助手
2024-09-05
Pourquoi les boomers utilisent-ils plein de points de suspension...
On décrypte la linguistique de votre groupe WhatsApp familial.
L'abus des points de suspension, ça date pas d'aujourd'hui.
Le champion en la matière, c'était Louis-Ferdinand Céline.
Par exemple dans "Mort à crédit", son deuxième roman,
où il les utilise à foison pour retranscrire l'hésitation,
le soupir, la frénésie.
Mais est-ce qu'ils ont toujours une utilité linguistique
lorsque votre tonton vous écrit: "Joyeux Noël... et bonne année...
biz..."
Tout ce qui est génération X(1965-1980) et baby-boomers(1946-1964)
n'ont pas grandi avec Internet.
Et il y a ce besoin d'exprimer,
en fait, on est dans un dialogue,
pour permettre de ne pas couper la phrase comme avec le point.
Et de laisser cette continuité de dialogue,
justement pour dire: "je parle, mais je ne coupe pas la parole,
je ne coupe pas la conversation".
L'idée c'est de retranscrire les pauses qu'on fait à l'oral.
Mais aux yeux des générations Y (1981-1991) et Z (1997-2010) ,
nées à partir des années 1980,
les points de suspension induisent des sentiments plutôt négatifs,
comme l'inquiétude ou l'ennui.
Ils peuvent aussi créer de l'ambiguïté, un sous-entendu.
L'équivalent de trois points de suspension, c'est genre...
-T'es vaiment une super amie point point point point point
-Cinq points??
En fait, les points de suspension, c'est le lieu de tous les possibles.
On en dit moins pour en dire plus.
Il y a un petit décalage qui se crée à chaque fois,
voire même un gros, et ça amène des incompréhensions.
Le point final dans vos messages est-il passif-agressif ?
On est samedi et vous écrivez à la personne qui vous a invité à sa crémaillère:
Je ramène mon pote Benoît ce soir.
Et la personne vous répond:
OK
Jusque-là, tout va bien.
Mais imaginez qu'elle vous réponde:
OK.
Là, votre ami Benoît n'est pas le bienvenu.
Il était pourtant normal, avant Internet, de terminer une phrase par un point.
Sauf que tout a changé avec le numérique.
Ça amène une nouvelle forme de ponctuation,
le point d'interrogation, le point d'exclamation, le point de suspension,
mais également les émoticônes qui vont servir de ponctuation,
à la place, souvent, de cette ponctuation syntaxique,
à savoir les points, les virgules.
Une étude a montré que 45% des étudiants universitaires
ne ponctuaient pas leur fin de phrase.
Pourquoi ?
Parce que le point final est jugé abrupt,
froid, moins sincère par les générations Y et Z,
selon cette autre étude.
On aura l'impression que, justement,
on est dans quelque chose de très formel
et ça va nous pouper cet élan de spontanéité et de continuité.
En fait, l'action d'envoyer le message fait déjà office de point.
Il est entendu que la phrase est finie.
Alors inutile d'offenser ce pauvre Benoît qui n'a rien demandé.
Pourquoi les baby-boomers utilisent-ils de nombreux points d'exclamation ou d'interrogation ?
C'est l'histoire d'un secrétaire administratif qui se rend compte qu'en quarante ans,
il n'a jamais utilisé le point d'exclamation dans un document.
Il en a des hallucinations,
il voit apparaître des points d'exclamation géants qui l'empêchent de dormir.
Cette histoire, c'est une nouvelle d'Anton Tehekhov en 1885,
et elle montre à quel point notre manière d'utiliser la ponctuation
en dit long sur notre personnalité.
La génération des baby-boomers (1946-1964), et dans une moindre mesure la génération X (1954-1980),
ont tendance à multiplier les signes de ponctuation en fin de phrase.
C'est pour mettre de la modalité expressive,
c'est pour mettre du ton, du non-verbal,
pour vraiment distinguer en fait cet écrit numérique,
-on ne le fait pas, encore une fois consciemment-,
de l'écrit traditionnel.
On a ce besoin d'avoir ces signes non-verbaux à l'écrit,
que l'on a, même là, en se parlant en visio,
on peut voir mes expressions,
on peut voir mes gestes.
Le ton de la voix, les clignements d'œil, les sourires,
c'est ce genre d'indicateurs qu'on perd à l'écrit.
Donc je vais faire passer mes émotions comme je le peux,
sans avoir eu les codes que les plus jeunes ont sur Internet.
Donc ils ont leurs propres codes, en fait,
c'est un autre écrit numérique en quelque sorte.
À l'inverse, les jeunes générations l'utilisent avec plus de parcimonie,
pour ponctuer une phrase plus que pour exprimer de l'enthousiasme.
Par exemple: "Je passe faire des courses!"
Peut-être une inspiration de cette citation:
"Un point d'exclamation, c'est comme rire à sa propre blague".
Pourquoi les émojis n'ont pas le même sens pour toutes les générations ?
Le smiley qui rit a été délaissé par les plus jeunes au profit du smiley qui pleure,
voire de la tête de mort (de rire), et même de l'émoji chaise.
Une tendance entre adeptes d'humour absurde.
Alors que chez les générations nées avant les années 1980,
on est plus dans une interprétation premier degré,
littérale.
Les générations plus jeunes Y et Z, 1981-2010 vont aller vers même l'hyperbole.
On est dans l'exagération, même dans le second degré.
D'où l'utilisation du smiley qui pleure pour le rire aux larmes,
ou de la tête de mort pour "mort de rire".
J'ai déjà vu une grand-mère utiliser l'émoji qui pleure de rire,
mais comme il pleure, -c'était sur une publication très triste-,
et elle a mis l'émoji qui pleure de rire.
Mais elle pensait qu'il pleurait tout simplement.
Au rang des incompréhensions, il y a aussi l'utilisation en doublon,
comme une illustration plus qu'une info:
Je prends le train.
Celui-ci, qui, lorsqu'il est employé par vos parents,
ne sous-entend rien du tout,
ou le pouce, utilisé tout le temps et perçu par les plus jeunes
comme ironique et donc dédaigneux.
Ce décalage peut créer une incompréhension entre les générations,
qui ont chacune leurs codes.
Et ça porte un nom.
Ça s'appelle un bain linguistique.
On va développer un lexique
qui est propre à notre catégorie sociale, à notre âge, à notre sexe.
C'est naturel.
Et on va se reconnaître comme ça.
Et c'est d'ailleurs pour ça qu'il y a le fameux "parler jeune",
qui est toujours très décrié et qui pourtant a toujours existé.
Les jeunes n'ont jamais parlé comme leurs parents,
depuis la nuit des temps.
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