法语助手
2024-10-23
L'IA n'est pas un outil pour nous.
On a des dictionnaires.
On a l'intelligence collective.
On n'a pas besoin de déléguer nos savoir-faire
à une machine qui prétend faire à notre place.
Samuel Sfez est traducteur littéraire.
Et il questionne l'impact de l'intelligence artificielle sur son métier.
Il n'est pas le seul puisque les tribunes se sont multipliées dans le secteur de la traduction,
avec des positions un peu différentes,
même si un élément les rassemble:
la traduction automatique dans le domaine culturel,
c'est non.
Il ne faut pas la balayer d'un revers de manche.
Débora Farji-Haguet est traductrice et interprète.
Pour elle, il faut apprivoiser l'IA.
Mais on ne prendra jamais le résultat d'une traduction faite par l'IA pour argent comptant.
Aujourd'hui, il est possible de traduire en quelques clics des romans ou des films entiers.
On a testé avec la première page d'Harry Potter, le premier, et le résultat est peu mieux faire.
Si un étudiant, même de licence, rendait une copie pareille en cours de version,
je pense que ça serait vraiment catastrophique.
Je dois la lire très, très attentivement pour comprendre certaines phrases.
Par exemple, dans la version originale,
on a: Les Dursley avaient tout ce qu'ils voulaient,
la seule chose indésirable qu'ils possédaient,
c'était un secret .
Mais à la place, on a ici: Les Dursley avaient tout ce qu'ils voulaient,
mais ils avaient aussi un secret.
On a la répétition du verbe avoir, des formulations extrêmement alambiquées.
Se priver d'une vérification humaine, c'est rarement une bonne idée:
des coquilles et des contresens ont été repérés
par des traducteurs audiovisuels dans les sous-titres du festival de Deauville.
Par exemple: "Je entends" "Si vous t'en a besoin" ou "Hell yeah" qui devient "L'enfer ouais".
Entre ces deux textes, il y a une chose essentielle
qui est absente de l'un et présente dans l'autre,
c'est le travail, le savoir-faire et la conscience humaine.
Ce qui se produit dans l'industrie,
c'est plutôt qu'on fait une traduction automatique
pour obtenir une "sortie machine", qu'un humain vient corriger.
On appelle ça la post-édition.
La pratique s'étend à mesure que l'IA générative se perfectionne.
C'est une tâche qui n'est pas intéressante, mal payée et chronophage.
Seul un tiers des traducteurs et traductrices interrogés
estiment que ça leur faisait gagner du temps par rapport à la traduction.
La post-édition est moins bien payée que la moyenne dans 68% des cas testés,
selon une enquête chez les traducteurs littéraires.
Et si des traducteurs aguerris peuvent se permettre de refuser ce genre de contrat,
beaucoup de débutants sont contraints d'en accepter par nécessité économique.
De quoi faire peur aux aspirants traducteurs ?
Crise de vocation, certainement pas.
On a de plus en plus de candidats.
Par contre, inquiétude, oui.
Pour Nicolas Froliger, qui représente les formations à la traduction,
l'IA peut être un outil, notamment pour ceux qu'on appelle les "traducteurs pragmatiques",
ceux qui traitent par exemple des documents scientifiques ou juridiques.
C'est pour ça qu'aujourd'hui, on l'enseigne dans certains masters.
Pour moi, à partir du moment où il y a un humain qui intervient derrière,
c'est lui qui devient responsable du travail fourni.
Et au titre de cette responsabilité, il doit être rémunéré à sa juste valeur.
Maintenant, quid de son impact sur la qualité de la langue ?
Une chercheuse autrichienne a mené une expérience à partir de cette nouvelle d'Hemingway.
Des participants devaient la traduire de zéro, et d'autres en mode post-édition.
Une phrase a retenu son attention:" Luz sat on the bed".
Dans le premier groupe, les participants ont choisi des temps différents:
"Luz s'est assise sur le lit"
"Luz était assise sur le lit"
"Luz s'assit sur le lit"
Et dans le second, tous ont suivi le choix de la machine.
C'est ce qu'on appelle le biais d'ancrage,
et le risque, en plus de se tromper,
c'est la standardisation de la langue.
Une évolution déjà intégrée par certaines entreprises,
qui, pour payer moins cher, vont jusqu'à commander des traductions de qualité moyenne,
ou "good enough" selon le terme consacré.
Il y a toujours une équation à trouver entre le coût d'une traduction,
les délais qu'on demande aux traducteurs de respecter,
et la qualité qu'on veut obtenir.
Et forcément, parfois, on nous demande de sacrifier un de ces trois critères.
L'autre problème, c'est la question du recueil des données:
des œuvres qu'ils produisent, qui servent à entraîner la machine,
et pour lesquelles aucune rémunération n'est versée au traducteur.
Ils revendiquent donc leur droit à "l'opt-out",
c'est-à-dire à s'y opposer,
et proposent même de proscrire l'usage de l'IA
et de couper les subventions publiques à ceux qui l'utilisent.
Alors que d'autres voudraient à minima pouvoir identifier l'utilisation de l'IA sur les objets traduits.
La définition d'une œuvre artistique, c'est qu'on y met notre personnalité.
Par exemple, moi qui traduis vers l'espagnol,
je ne traduis pas de la même façon
selon que cette traduction va être lue uniquement dans un pays
ou dans tous les pays hispanophones.
L'humain doit être aux commandes.
Dans le monde de la traduction, on n'est pas d'accord sur tout,
mais au moins on est d'accord là-dessus.
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