法语助手
2024-06-24
Je suis sûre que tout le monde devient philosophe
au moins deux minutes s'il prend le temps de regarder la mer.
En fait c'est pas un paysage, c'est la fin de tout paysage.
C'est une surface, alors qui peut être agitée,
mais ça reste en surface, on voit pas le fond.
Et l'horizon, en fait c'est un infini horizontal.
Le fait que ce soit si difficile de se dire,
mais qu'est-ce qui se passe ?
C'est quoi la mer au juste ?
Ça nous fait penser,
ça nous fait changer d'état.
Nager, ça me fait changer d'état, mon corps ne pèse plus,
je flotte, je suis à l'horizontale et pas du tout à la verticale,
je n'arpente plus du terrain,
donc c'est un changement d'état absolument unique
et je ne vois pas d'équivalent.
Ne me dites pas la montagne,
parce qu'il faut toute une technologie,
il faut être harnaché, il faut monter, il faut grimper,
la mer non, je vais dedans et je ne suis plus le même.
Et parce qu'il y a la vision de l'horizon,
et parce qu'il y a l'infini, et l'infini redoublé,
l'infini redoublé par le ciel.
C'est quand même rare d'être au contact avec l'infini,
et puis c'est le seul paysage qui fasse du bruit par elle-même,
on entend la mer avant de la voir.
Vous allez me dire, oui, les forêts aussi.
Non, les forêts font du bruit s'il y a des oiseaux,
s'il y a du vent, mais la mer, la mer elle fait du bruit,
elle parle constamment.
La mer me dit, tais-toi.
Et moi qui suis philosophe et qui suis sans arrêt
en train d'essayer d'avoir des réponses à tout,
elle me dit tais-toi.
Donc d'abord faut se taire,
c'est la mère qui vous guide,
enfin le vrai capitaine c'est la mère.
Donc je pense que c'est une inversion totale
de nos repères, de nos habitudes,
parce que je pense qu'on a fait de l'espace le lieu de notre pouvoir.
Et la mer c'est le seul lieu sur Terre qui n'est pas un espace.
J'y marche pas et donc je n'ai pas d'emprise.
Je pense que tout ce qu'on essaie de faire sur l'eau
est un moyen de réaffirmer ce qu'on pense être notre pouvoir.
Et même, je vais peut-être vous choquer,
mais même les sports nautiques, pour moi,
c'est déjà le début de la fin.
Pourtant, j'aime partir en mer,
mais c'est le début de la fin
parce qu'on transforme la mer en terre.
Et sur la terre, l'espace,
c'est le lieu de ma puissance.
C'est ce que je peux m'approprier,
rien qu'en marchant.
J'ai coché, j'ai fait tant de kilomètres,
j'ai avalé des kilomètres.
La mer, vous pouvez pas.
Et je pense que même faire de la planche
et même faire du surf que j'adore,
on est sur le fil du rasoir
parce que c'est une manière de se réapproprier
ce qu'on ne peut pas s'approprier.
Moi je pense que s'il y a une écologie,
elle doit commencer dans la mer.
D'abord parce que c'est la prochaine
qui va être saccagée et menacée, elle l'est déjà.
Et ensuite parce qu'elle me donne
la bonne manière de me comporter.
Elle me montre que d'abord
il n'y aura pas de défense de la nature
sans rapport esthétique à la nature.
D'abord, il faut se dire c'est beau.
Et quand on dit c'est beau,
il y a quelque chose d'éthique, de moral, d'existentiel
et d'écologique qui se passe.
Donc pour moi, l'écologie,
elle devra être esthétique ou elle ne sera pas.
Et ensuite, parce que la mer nous donne
le comportement que nous devons avoir,
qui passe par une humilité,
qui passe par ne rien faire.
Est-ce qu'il n'y a pas une analogie à faire
entre la mer qui est en bas et l'espace qui est en haut ?
Je pense que l'espace et la mer,
l'analogie est bonne, elle est pertinente.
Déjà parce qu'il y a ce même infini.
La mer ne finit jamais, on voit l'horizon,
mais ce n'est pas l'horizon en réalité,
parce qu'il ne cesse de nous échapper,
de la même façon que l'espace, on le sait.
Il est infini.
L'espace sur Terre sont des intervalles.
C'est des kilomètres ou des mètres ou de la hauteur,
mais ce sont toujours des tronçons,
des segments, des espaces.
Dans la mer et dans l'espace,
ce ne sont pas des intervalles.
Dans la mer, de quoi vous faites l'expérience en fait ?
Pas vraiment de l'espace
mais de la durée en réalité du temps.
Mais du temps devenu espace
puisque c'est dans la mer.
C'est très troublant.
C'est le temps qui est devenu de l'espace.
Vous voyez, c'est combien de temps j'ai passé en mer...
Donc c'est pas du tout le même rapport
et dans l'espace je pense,
je l'ai jamais fait,
mais je pense qu'on a la même sensation
que ce qui reste plus palpable en réalité
c'est pas l'espace parce qu'il nous échappe de toutes parts
et puis on peut pas le posséder,
on peut pas le tenir, c'est le temps.
En mer, je pense que si on prend le temps
et si on fait cet effort douloureux de ne rien faire,
on va à un moment donné
et même très vite se demander :
" C'est quoi mon année là que je viens de passer ?
Puisqu'on va être en vacances face à la mer.
C'est quoi l'année que je viens de passer ? "
On va avoir déjà le sentiment
qu'il y a quelque chose qui se dépose.
Mais c'est quoi ces poids,
ces fardeaux qui se déposent ?
On va s'interroger.
Donc on va s'interroger sur le sens de nous-mêmes,
de la vie et de l'existence.
Si on ne fait rien,
au bout de 2-3 minutes, 5 minutes
c'est très difficile.
Il se passe quelque chose,
il y a quelque chose qui se lève en moi
et c'est le sens de la vie.
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