Cinq fautes de français qu'on ne soupçonne pas
«C'est de cela dont il s'agit», «voire même»... Ces erreurs, sournoises et discrètes, se glissent dans nos échanges quotidiens. Nous ne les soupçonnions pas tant elles nous semblaient correctes. Et pourtant... Florilège.
«Elle a l'air gracieuse! - Pardon, je pense qu'il faut dire: elle a l'air gracieux.» Soudain, le doute. «Mais non enfin! C'est elle qui est gracieuse! - Ah non, je t'assure, gracieux se rapporte à l'air». Alors, qui a raison? Quelle que soit l'issue de cet essentiel débat, l'un de nos interlocuteurs sera étonné d'avoir «toujours fait la faute».
Nous avons tous vécu cet instant. Le moment où la langue française, toujours plus maligne, nous surprend et nous rappelle ses charmantes subtilités. Ainsi, Le Figaro a décidé de la célébrer en vous proposant un florilège de ces fautes de français qui n'en ont pas l'air mais que nous faisons tous.
Mais élucidons d'abord un doute. Il faut, en effet, dire «elle a l'air gracieux». Revenons sur la règle. Selon l'Académie française, si l'on peut remplacer «avoir l'air» par «paraître, sembler», alors, on doit accorder l'adjectif devenu attribut. Exemple: «Ces poires ont l'air délicieuses» ou «Ils ont l'air intelligents».
En revanche, si «avoir», contenu dans la locution, peut se substituer aux verbes «prendre», «se donner» et le mot «l'air» à «un air, des airs», tout change. «Cela signifie que l'adjectif est épithète et qu'il peut seulement s'accorder avec le terme ‘‘air''». Ainsi faut-il écrire: «elle a l'air gracieux» ou encore, «ils ont l'air bête».
Les pléonasmes fourmillent dans nos conversations quotidiennes. Certains sont évidents comme «monter en haut», «moi, personnellement» ou encore «petite détail. D'autres se font plus discrètes. Sournoises, elles nous font oublier que leur usage est impropre. Arrêtons-nous ainsi sur le très prononcé «voire même»: «Depuis le début, je suis cette affaire. Voire même avant qu'elle soit médiatisée». Décortiquons donc cette expression. Si «voire» prend ici le sens de «et même», pourquoi donc le coller à un autre «même»? Car alors, la locution «voire même» revient à dire «et même même».
«Je vais au Carrefour» ou «chez Carrefour»?
Les anglicismes, à présent. «C'est juste splendide, ce spectacle!»; «L'acteur était juste incroyable»... Nous utilisons le terme «juste» ici, afin d'insister sur le caractère particulier de quelque chose. Nous appuyons sur le fait qu'un spectacle soit «splendide» et un acteur, «incroyable». Or, «juste» ne s'emploie pas ainsi. Il désigne d'abord, note Le Trésor de la Langue française, «ce qui est conforme à une norme (abstraite ou concrète). Il peut aussi prendre un sens religieux: est juste celui «qui observe les commandements divins». Ainsi, même si ce mot «a des emplois adverbiaux, aux valeurs variées et précises», rappelle l'Académie française, l'employer au sens de «vraiment» ou «tout simplement» est sans doute une mauvaise habitude née de «l'influence de l'anglais».
Attaquons-nous désormais au pronom relatif «dont» qui s'immisce partout et surtout, à des endroits où il ne devrait pas être. «Votre contrat, c'est bien de cela dont il s'agit, non?». La règle est la suivante: «dont» signifiant également «de qui», il est inutile de l'associer à un «de». Ainsi faut-il écrire: c'est cela dont il s'agit. Et puis, il y a la fameuse «je vais chez Carrefour» ou «je vais à Carrefour». Que choisir?
L'Académie française rappelle cette règle essentielle: la préposition «chez» ne peut s'employer uniquement pour parler de «personnes et par extension d'être aimés, personnifiés». Exemple: «Je vais chez le coiffeur», «j'habite chez ma tante». La préposition «à», elle, est utilisée lorsqu'il s'agit de parler de noms de lieux au féminin, quand il ne sera pas question d'un être vivant: «Je vais à la boucherie». Quant aux lieux masculins, il faut employer la forme «au»: «Il se rend au cabinet». Il est possible d'y avoir recours également quand le nom de l'établissement commercial sera «un nom de chose ou un groupe comprenant un tel nom». Exemple: Nous allons «au Bon Marché». Quant à Carrefour, Leclerc, Auchan... Nous faisons notre mea culpa: l'usage n'est pas établi. Ainsi, «je vais au Carrefour» ou «chez Carrefour» sont, tous les deux, corrects.