法语助手
2024-05-23
La tradwife est-elle une invention marketing ?
La traditional wife, c'est cette tendance sur les réseaux sociaux avec des influenceuses
qui prônent le dévouement des femmes à leur foyer et à leur mari,
en leur mitonnant des bons petits plats.
C'est trop bon.
Exactement comme ces trois cuisinières qui ont vendu des millions de livres à des époques différentes
et qui ont façonné chacune à leur manière l'image de la ménagère idéale.
Mais ces trois femmes ont un point commun:
elles n'ont jamais existé et sont de pures inventions industrielles.
Vous ne la connaissez sans doute pas,
mais Betty Crocker était l'une des femmes les plus populaires aux Etats-Unis dans les 1940.
En 1921, Washburn Crosby,
une entreprise qui vend de la farine,
publie de la réclame dans un journal local.
L'entreprise reçoit rapidement de nombreux courriers de lecteurs
qui demandent des conseils sur la cuisson de leur pain ou de leur gâteau.
Le directeur de l'entreprise a alors une idée de génie:
il pense que les réponses seraient plus crédibles si elles étaient écrites par une femme.
Il imagine un nom: Betty Crocker.
"Crocker", du nom d'un cadre de l'entreprise
et Betty parce que c'est un prénom rassurant.
Mais rapidement, Betty ne répond plus seulement aux questions des lecteurs,
elle se met à proposer des recettes.
Sa popularité est telle qu'elle nécessite l'emploi de 21 personnes
chargées d'élaborer ses fameuses recettes.
En 1924, elle a droit à sa propre émission de radio
qui est sans doute la première émission culinaire de l'histoire.
Aujourd'hui, je vais vous donner le menu idéal
pour le gerne de dîner que chaque épouse devrait savoir préparer pour son mari.
Plus que des recettes,
ces émissions sont un véritable manuel pour ce qu'on appelle alors "la housewife",
ou mère au foyer.
Un rôle très genré, cantonné à la cuisine et au service du mari.
Dans l'entre-deux-guerres,
il y a de grandes entreprises sidérurgiques ou minières
qui s'intéressent aussi pour que les hommes soient efficaces,
au type de nourriture, les gènes des vies au foyer.
Et donc les femmes avaient un rôle en tant qu'épouses,
elles devaient, en fait, assurer, au foud,
l'efficacité de la force de travail.
Si vous voulez faire vraiment plaisir à votre mari,
cuisinez-lui un steak.
C'est à cette époque que les femmes deviennent une cible pour les publicitaires,
car ce sont elles qui gèrent les économies du foyer.
C'est elles qui font les achats
qui sont au centre de la consommation,
qui assurent aussi les bien-être physique de la famille.
À partir des années 30, Betty a un visage officiel, dessiné par un artiste.
Il sera modernisé régulièrement, mais toujours avec son gilet rouge,
son allure impeccable et son air légèrement sévère.
Betty doit rester ce visage vaguement familier auquel tout le monde peut s'identifier.
Betty Crocker participe à l'effort de guerre dans les années 1940.
Le gouvernement demande à l'entreprise de faire des émissions spéciales
sur comment cuisiner en période de rationnement.
Même après 20 ans d'existence,
beaucoup d'auditeurs restent persuadés que leur cuisinière préférée est bien réelle.
On dira même que Betty est la deuxième femme la plus populaire des Etats-Unis,
après Eleanor Roosevelt, la première dame.
Après la radio, la cuisinière a droit à son show à la télé avec une actrice,
au début des années 1960.
Mais la supercherie est comprise par les Américains au fil du temps.
L'image de Betty est progressivement remplacée par une cuillère rouge.
La marque existe encore aujourd'hui et elle a même servi de modèle
à une autre Betty en Europe.
Les Suisses aussi ont eu leur influenceuse cuisine dans les années 1950,
véritable "tradwife" avant l'heure.
Comme sa grande sœur américaine Betty Crocker,
Betty Bossi était une star nationale qui a vendu des millions de livres de cuisine,
mais qui n'a jamais existé.
Tout commence en 1956,
avec une publicité distribuée dans les grands magasins d'alimentation.
La feuille s'intitule « Que vais-je cuisiner aujourd'hui ? » et elle est signée Betty Bossi.
Derrière ce personnage, cette fois, il y a une femme,
Emmi Creola-maag, rédactrice publicitaire de la marque Astra,
qui vend des huiles et des graisses pour la cuisine.
Et bien sûr, Betty Bossi n'oubliera pas de vanter les produits Astra dans ses recettes.
Plutôt malin.
D'ailleurs, Betty a tellement le sens des affaires
qu'elle se décline aussi en produits électroménagers.
Les ingénieurs s'attellent aussi à étudier
comment faire en sorte que les logis soient gérés de manière tout à fait semblable à l'usine,
avec les mêmes normes de rationalité.
Se met en place aussi cette idée que dans la maison,
il doit y avoir certains électroménagers
qui permet aussi justement une efficacité dans l'exécution de certaines tâches.
Elle apprecie le design de ce four, ok.
Mais est-ce qu'il fonctionne bien?
Comment toutes ses fonctionnalités vont-elles l'aider?
En 1973, un livre de Betty sur les pâtisseries est vendu à 1,3 millions d'exemplaires.
Betty Bossi recevra même plusieurs demandes en mariage.
En France, une autre cuisinière fictive va connaître une énorme popularité à la même époque.
Vous êtes peut-être déjà tombé sur un livre de cette mystérieuse cuisinière:
Françoise Bernard.
Un nom culte qui sent les Trente Glorieuses et les tables de cuisine en formica,
dont les influenceuses "tradwife" pourraient bien s'inspirer aujourd'hui.
Au début des années 1950, les communicants de la marque Astra,
qui vend notamment de la margarine,
proposent aux consommateurs des recettes et décident de les signer avec ce nom,
composé des deux prénoms les plus populaires de l'époque,
Françoise et Bernard.
L'entreprise veut aller plus loin dans l'incarnation et embauche une secrétaire,
Andrée Jonquoy, pour vendre ses recettes.
Le grand problème de la ménagère moderne, c'est:
je suis très pressée pour faire la cuisine,
je n'ai pas de temps, je n'ai pas beaucoup de moyens
et je n'ai pas toujours beaucoup de connaissances.
Faisant farcie aux noix, croûte aux œufs pochés,
il faut quand même aimer les plats en sauce et les repas riches en calories.
En plus des recettes, Françoise prodigue des conseils pour bien tenir son foyer,
comment dresser une table et bien accueillir ses invités,
avec toujours le souci de présenter une image idéalisée de la ménagère.
Françoise Bernard insiste aussi sur une dimension de transmission de la cuisine,
entre mère et fille évidemment.
Pour les cadres de l'entreprise, la cuisine doit rester une affaire de femme.
Avant 1965, elle n'a pas le droit de travailler sans l'autorisation de son mari,
ni d'avoir un compte en banque quand elle est mariée.
Elle est également seconde légalement dans le foyer
puisque la notion de chef de famille ne sera supprimée qu'en 1970.
Mais l'influenceuse transforme l'image de la ménagère
et la fait rentrer dans la modernité des Trente Glorieuses.
Elle a intégré le micro-ondes dans ses recettes
et ne s'adresse plus seulement aux femmes au foyer,
mais aussi aux femmes qui sont dans la vie active
et qui ont moins de temps à consacrer à la cuisine.
Ironie de l'histoire, Andrée, ou Françoise, avouera
qu'elle n'y connaissait pas grand-chose en cuisine et que ça ne l'intéressait pas beaucoup.
Andrée rachète à l'entreprise le nom de son alter-ego
et continue à vendre des millions de livres jusqu'aux années 2010.
Elle meurt en 2021, à l'âge de 100 ans.
Si vous souhaitez en savoir plus sur l'histoire des femmes au foyer,
vous pouvez écouter cette émission.
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