法语助手

Elles sont l'œuvre de plus de 20 années de travail,
ont provoqué scandale et procès,
ont révolutionné la poésie
et ont fait de leurs auteurs un des plus grands génies de la poésie française.

Pourtant, elles sont toujours entourées de mystère.

Voici comment Charles Baudelaire a écrit Les Fleurs du mal.

Il n'existe pas de manuscrit des Fleurs du mal.

Ce n'est pas du tout comme ça que ça se présente.

La genèse des Fleurs de mal a été extraordinarement compliquée
contorsionnée, tordue appelez-ça comme vous voudrez.

En opposition à sa famille et à l'ordre bourgeois,
le jeune Baudelaire dilapide son héritage
et se consacre à la critique d'art et à la poésie.

Nous avons les premiers indices de poèmes finalement intégrés aux Fleurs du mal,
des alentours de 1843, pour être précis.

Et ça c'est une tradition orale,
c'est un de ses amis qui s'appelait Prarond qui,
bien plus tard, a publié des souvenirs dans lesquels il raconte qu'il a entendu Baudelaire les réciter.

Donc la première preuve de l'existence de certains de ses poèmes est orale.

Pour Baudelaire, la poésie se lit à voix haute, se clame et se partage.

L'oralité caractérise son phrasé et il prend plaisir à réciter ses vers dans des cafés,
construisant ainsi son image de dandy,
de poète maudit enclin à la débauche,
et qui donnera tout pour son art.

Seul moyen de transfigurer l'expérience douloureuse de l'âme humaine en beauté.

Baudelaire édite ses premiers poèmes dans des revues
et envisage dès 1845 la publication d'un recueil.

D'abord sous le titre Les Lesbiennes,
"titre pétard" qu'il voulait provocateur,
puis sous le titre Les Limbes, allusion catholique.

Les Fleurs du mal sont ainsi annoncées plusieurs années avant leur parution.

La première trace, aujourd'hui perdue, date de 1851.

Un des indices que nous ayons c'est une copie calligraphiée
de l'ensemble de ses poèmes à cette date.

Cette copie calligraphiée était destinée à l'époque, à cette date-là, à un éditeur.

Mais comme vous savez, la première publication des Fleurs du Mal
c'est 1857.

Donc que s'est-il passé entre 1851 et 1857 ?

Pendant cette période Baudelaire continue à écrire,
à retravailler ses textes, inspirés de sa vie amoureuse,
de la beauté et de la mort.

J'ai plus de souvenirs que si j'avais mille ans.

Un gros meuble à tiroirs encombré de bilans,
de vers, de billets doux, de procès, de romances.

Avec de lourds cheveux roulés dans des quittances,
cachent moins de secrets que mon triste cerveau.

On retrouve la trace de son travail exigeant, pointilleux, maniaque,
dans les épreuves qu'il a corrigées en 1857.

Obsédé par son ouvrage,
il semble ne jamais vouloir l'abandonner complètement à son éditeur,
qui dira ne plus croire à sa publication.

"Mon cher Baudelaire, voilà deux mois que nous sommes sur les Fleurs du mal
pour en avoir imprimé cinq feuillets."

Il annote, rectifie, change, rature jusqu'à la plus petite virgule.

Enlevez donc cette maudite virgule, écrit-il.

Sur certains poèmes, on retrouve jusqu'à dix étapes de correction.

C'est très variable, dans certains cas
il supprime carrément une strophe,
dans d'autres il fait juste des rectifications,
vous savez, comme remplacer une épithète par une autre, enfin, etc.

Il y a divers indices qui permettent de dire qu'à chaque étape,
il a modifié quelque chose.

Minutieux dans les détails,
Baudelaire l'est aussi pour la cohérence globale de son œuvre.

Il y avait en effet une préoccupation architecturale, en quelque sorte.

Et cette préoccupation, il l'a construite en redistribuant les pièces,
non pas selon leur ordre de proposition,
mais pour progresser naturellement vers la mort, etc.

Si chaque poème peut se lire indépendamment,
les Fleurs du mal sont un récit, un parcours.

Celui d'une âme depuis ses illusions jusqu'à la mort.

La dimension sulfureuse de l'œuvre choque le public.

On y parle de luxure, de drogues et de charognes.

Et deux mois après la publication, Baudelaire et son éditeur sont condamnés,
six poèmes sont censurés.

C'est une catastrophe pour Baudelaire,
qui avait consacré tant de temps à rédiger l'œuvre parfaite.

Il se perçoit comme un poète incompris.

"Je me moque de tous ces imbéciles et je sais que ce volume,
avec ses qualités et ses défauts,
fera son chemin dans la mémoire du public lettré,
à côté des meilleures poésies de Victor Hugo,
de Théophile Gauthier et même de Byron."

Les six poèmes censurés circulent sous le manteau,
mais Baudelaire, qui jute son œuvre devenue incomplète,
décide de la retravailler et de l'amplifier.

En 1861, il publie une nouvelle version des Fleurs du mal,
augmentée de 36 poèmes.

C'est en 1861 que Baudelaire, après la condamnation,
ajoute une section majeure
pour l'inflexion de sa poésie dans ce qui aujourd'hui est jugé parfois le plus "moderne" entre guillemets,:
la poésie urbaine,
c'est la section des tableaux parisiens.

Ce n'est qu'en 1949 que la censure est levée.

Mais dès l'entre-deux-guerres, Baudelaire est reconnu comme un génie
qui a modernisé la poésie et qui nous a montré comment voir la beauté partout,
même dans la mort.