法语助手
2021-11-17
Aujourd’hui, nous avons d’un côté un marathon
et de l’autre l’hydrodynamique.
Une course à pied de 42,195 km
et l'étude des mouvements des fluides.
C’est quoi le rapport ?
Pour y voir plus clair, rendez-vous à Lyon,
avec Denis Bartolo.
Je suis professeur à l’ENS de Lyon, au laboratoire de physique.
Dans son bureau,
Denis a un tableau avec des formules mathématiques écrites dessus,
des baskets, des palmes...
mais ça on y reviendra plus tard.
Sinon, il détient aussi le trophée du chercheur le plus français,
remporté aux Etats-Unis parce qu’il portait une écharpe,
signe apparemment d’élégance.
J’en étais très très fier, on était deux Français !
Donc il y avait une réelle compétition.
Et j’étais bien content d’avoir mon écharpe pour gagner !
Pendant longtemps Denis s’intéressait à la matière active,
un dispositif expérimental pour étudier
les déplacements des particules.
C’est simplement des billes
qui ont la particularité d’être toutes petites,
elles ont un diamètre d’environ un dixième du diamètre d’un cheveu.
On a été capables de les motoriser et en interagissant, spontanément,
elles s’auto-assemblent en un liquide.
Et c’est en cherchant des vidéos sur la matière active
- chacun ses hobbies -
qu’il est tombé sur LA vidéo qui allait changer sa vie,
au moins pendant les trois années qui allaient suivre.
Quand j’ai vu cette vidéo, c’était complètement clair que
cette foule était juste un liquide qui s’écoulait dans un conteneur.
Donc le liquide était la foule, le conteneur était le pont.
Et là je me suis dit : il faut absolument que je travaille là-dessus
et on a développé des outils pour comprendre comment
les particules autopropulsées interagissaient.
Finalement, des humains qui marchent c’est des particules autopropulsées,
ça va marcher.
Denis n’était pas le premier à se passionner pour les foules,
mais tous ceux qui l’ont précédé les ont toujours envisagées
comme des agrégations d’individus,
ils ont donc tenté d’étudier un ensemble de comportements personnels.
L’originalité de notre travail a consisté à se dire qu’une foule,
à grande échelle
doit s’écouler selon des règles qui doivent dépendre peu
du détail des interactions comportementales
entre les individus qui la composent.
J’aime bien prendre l’exemple du vin
parce que c’est un liquide très compliqué
mais que tout le monde connaît.
Si quelqu’un devait décrire
l’écoulement du vin depuis une bouteille dans un verre
en décrivant précisément les interactions
entre les molécules d’eau, d’alcool, de sucre, l’éthanol...
Ce serait juste impossible.
Et pourtant, décrire l’écoulement du vin
depuis la bouteille jusque dans le verre,
c’est quelque chose qu’on sait bien faire.
Non pas en décrivant le vin comme une assemblée de molécules,
mais simplement comme un liquide, un milieu continu.
Mais s’il est simple de faire des expériences sur les liquides,
c’est moins le cas sur les foules.
Denis, aidé d’un autre chercheur,
Nicolas Bain, a donc d’abord étudié les fan zones...
Très mauvaise idée.
La Fête des Lumières à Lyon...
Très, très, très mauvaise idée...
Et surtout, en face de leur laboratoire,
l’entrée de l’une des plus grandes salles de concerts d’Europe...
- C’est juste là. - La Halle Tony Garnier.
Mais là encore, ce fût...
Une très mauvaise idée. L’idée que j’avais en tête
qui était étudier le remplissage d’une salle de concert
comme on étudierait le remplissage d’un récipient par un liquide
s’est avérée catastrophique. La seule chose qu’on peut observer
c’est des bandes de potes qui se baladent avec
des bouteilles de coca, de bière et des cornets de frites
et qui consultent leur téléphone portable.
Les deux chercheurs sont donc revenus à leur première intuition :
les marathons.
Sans que ça n’ait empêché quelques cuisants échecs quand même.
Cette fameuse course à Atlanta avait lieu le 4 juillet.
Donc le 3 juillet, Nicolas s’installe dans sa chambre d’hôtel
avec une vue imprenable sur le départ.
Et le lendemain, 4 juillet, Nicolas met son réveil tôt,
règle tout le matériel informatique
puis il ouvre les rideaux de la chambre...
et là, surprise :
des lignes et des étoiles. Le drapeau américain,
en face de la fenêtre de Nicolas.
Donc ce qui était la meilleure vue, la vue la plus dégagée
sur la zone de départ d’une course qu’on n’ait jamais pu trouver
s’est retrouvée rognée aux trois quarts
par le drapeau américain qui a battu
pendant toute la durée de la prise de vue.
Stop. Une recherche, c’est comme un marathon, il faut bien s’hydrater.
Je bois.
OK.
Une fois l’expérience établie, et les images récupérées,
pour prouver la ressemblance avec un liquide,
il a encore fallu effectuer les calculs nécessaires,
ceux de la vitesse et de la densité de la foule.
Si pour la vitesse cela restait assez simple,
pour la densité, le nombre de personnes au mètre carré donc,
ce fut une autre paire de manches !
Nicolas s’est aperçu,
après avoir compté des centaines d’individus
que ces mesures n’étaient absolument pas reproductibles.
C’est-à-dire que quand il essayait de recompter dans la même zone
d’une image le nombre d’individus,
il faisait des erreurs de l’ordre de 50%.
Et donc Nicolas a dû recompter une nouvelle fois à la main,
en cliquant sur un écran
les individus dans les foules et ça,
ça a été un travail particulièrement fastidieux.
Je ne pense pas que ce soit le meilleur souvenir
qu’il garde de sa thèse. Moi non plus, parce que là
il a arrêté de me parler gentiment pendant plusieurs semaines.
Mais les efforts ont payé,
et les chercheurs sont parvenus à prouver
que les foules suivaient bien des lois d’hydrodynamique.
Et on a compris par exemple
que quand vous forcez une foule à accélérer, à ralentir ou à s’arrêter,
l’information sur la vitesse
va se propager dans la foule
exactement comme une vague se propagerait à la surface de l’eau.
A contrario,
si vous voulez indiquer à une foule un changement de direction,
cette information sur la direction, elle va se diffuser dans la foule.
Comme le ferait une goutte de colorant
dans un verre d’eau, de façon beaucoup plus lente,
en s’étalant,
en ne préservant pas sa forme initiale.
À termes,
les travaux de Denis pourraient ainsi aider à mieux gérer les flux urbains
et améliorer la sécurité dans des lieux de forts rassemblements.
Mais... Attendez... J’ai oublié de poser une question essentielle,
Denis est-ce que vous courez ?
Je courais ! Je courais.
Mais malheureusement, il y a à peu près trois ans
en essayant de perdre du poids
je me suis mis à courir plus souvent et je me suis blessé.
Ce qui fait qu’aujourd’hui je ne peux plus courir
et je me suis mis à nager.
Ah, tout s’explique enfin !
Evidemment, aucun rapport avec vos recherches ?
Aucun,
aucun !
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