法语助手
2020-07-27
On transmet tous des messages en permanence. Et quand il y a un enjeu derrière ces messages, alors on a une grande responsabilité dans la transmission.
Qu'on mette en place en projet avec des collègues qu'on explique à son enfant pourquoi faire ses devoirs, pourquoi c'est important d'aider à la maison, notre responsabilité est d'être le plus clair possible dans ce qu'on leur transmet.
Mais comment faire ? Alors, pour moi, c'est une obligation d'être clair. Je suis mime.
Je vois quelque chose et ce quelque chose est tellement précis et clair dans mon esprit que je me donne les moyens de le rendre visible à d'autres alors que ça n'existe pas.
En voilà, un beau défi, rendre visible quelque chose qui n'existe pas ou qui n'existe pas encore.
C'est un tel défi que le risque, c'est d'en dire trop. Et moi, j'appelle ça le mime bavard.
Et là, vous dites : « Ah oui, elle fait le mur. »
En fait, j'ai tellement envie de vous montrer ce mur que vous finissez par voir mon souci de vous montrer au lieu de voir ce qui m'inspire.
On en rencontre tous des gens qui en disent trop. Il y a des gens qui, pour nous faire adhérer à un projet, deviennent des mimes bavards.
Il y en a même qui ont le slide bavard.
Ils veulent tellement -- en fait, à force de vouloir trop en dire, on voit leur souci de bien faire, mais on ne comprend pas leur but ni ce qu'ils voient, eux.
Alors, l'inverse est vrai aussi. Dans la transmission d'info, parfois, on n'en dit pas assez. On passe à côté de l'essentiel.
En tant que maman, trop souvent, j'exige obéissance immédiate de mes enfants. « Rangez vos chambres ! Non, pas après, maintenant ! » « Débarrassez vos assiettes en sortant de table. »
Alors que souvent il est plus efficace de leur expliquer qu'il vaut mieux ranger les chambres avant que les invités arrivent pour être fier de montrer une maison bien rangée sans slips, chaussettes par terre ou qu'encore ce soir on est tous fatigués, que si on met tous la main à la pâte, ça ira plus vite, on pourra passer à la soirée ensuite.
Alors qu'est-ce qui est vraiment important dans ce que je veux transmettre ?
Quand j'étais élève à l'école du mime Marceau, c'était incroyable toutes les anecdotes qu'il nous racontait tout le temps sur sa carrière internationale.
« Mes enfants, un jour, Michael Jackson est venu me voir pour qu'on élabore ensemble son moonwalk. »
Il était incroyable. Mais l'anecdote qui m'a le plus frappée dans ce qu'il nous a raconté, c'est celle-ci : un jour, alors qu'il était jeune et lui-même élève d'Étienne Decroux, le premier grammairien du mime, il y a un élève qui a posé une question dans sa classe qui a dit : « Maître Decroux, au théâtre, je dois jouer le rôle d'un prêtre. Or, je n'ai pas la foi. Comment faire pour jouer juste ? »
Étienne Decroux a répondu : « Mets-toi à genoux et la foi viendra. »
J'imagine l'élève sceptique : « Ah oui, quand je me mets à genoux, je suis plus petit que les autres et je ne maîtrise pas ce qui m'entoure de la même manière.
Quand je me mets à genoux, je ne suis plus dans le rythme des autres et tout ce qui m'entoure est bien plus grand que moi.
Peut-être que je ne sais pas ce qu'est la foi, mais j'en ai une sensation et cette sensation aide ma compréhension intellectuelle. »
C'est intéressant de voir que la compréhension ne se fait pas seulement sur un plan intellectuel.
D'abord je vis quelque chose et ensuite, je le comprends.
C'est peut-être ça, d'ailleurs, une des premières clés.
Si je vois quelque chose, c'est que je le vis, déjà. Alors, ce n'est pas facile de changer de perspective, hein. Ce n'est pas facile de descendre de son piédestal.
Surtout quand on a un ascendant en tant de parent, en tant de manager.
Quand je mets en scène des spectacles, je manage 5-6 comédiens sur scène avec leurs compétences différentes, leur sensibilité à ménager, leur potentiel unique et leur mauvaise foi aussi, parfois.
Alors, je donne les indications de ma place, assise devant, et puis eux, ils sont sur scène.
Parfois ça ne suffit pas. Il faut que je monte sur scène et que je me mette à leur place. Et alors, là, soit je leur montre quelque chose, soit je suis juste avec eux. Mais souvent, ça me permet de trouver avec eux ce que je cherche.
En éducation, il paraît que quand on a un message important à faire passer à un enfant, que ce soit dans le positif ou dans le négatif, pour qu'il l'accueille de la meilleure façon, il faut se mettre à sa hauteur.
Se mettre dans la situation d'une personne pour mieux la comprendre, c'est une clé. Et ensuite, on peut mieux lui transmettre un message. Ça, je l'ai compris quand j'avais 16 ans et toujours grâce au mime.
Quand j'étais au lycée, je faisais beaucoup de théâtre. Et puis, un jour, mes parents nous ont annoncé qu'on allait déménager à Budapest, en Hongrie.
Pour moi, c'était la fin du monde. Je quittais tous mes amis, mais en plus, je ne pourrai plus faire de théâtre dans un pays où je ne maîtrisais pas la langue.
Et c'est là que le mime a pris une importance considérable dans ma vie.
À Budapest, j'ai fait du mime partout où c'était possible. Dans les parcs, dans les rues, à l'Institut Français, à l'École française dès qu'il y avait une fête.
Et c'est là que j'ai fait ma découverte. Il y avait une saynète que je jouais assez régulièrement. Je me réveillais, je prenais un petit déjeuner, et là, si mon auditoire était français, ça se passait plûtot pas mal.
Mais si mon auditoire était hongrois, un flottement sceptique se faisait sentir.
Les Français, bien entendu, voyaient une baguette de pain. Mais les Hongrois ? Pour eux, le pain, ce n'est pas une baguette, c'est une boule. Une boule d'un kilo ou d'un demi-kilo.
Alors, ça, ça doit être de la charcuterie ? Alors, qu'est-ce que je peux bien badigeonner dessus ?
Quand je mime devant un public hongrois, je dois adapter mon geste. Mais avant, pour pouvoir bien mimer cette boule de pain, il faut que je l'aie touchée, sentie, goûtée.
Je crois que beaucoup de frustrations viennent de là, ou de malentendu, même. Quand on veut transmettre une directive à des collègues, à des enfants, à des bénévoles dans une association sans en vivre la réalité, au mieux, on obtient de l'obéissance, au pire, une rébellion.
Mais dans les deux cas, on n'a pas transmis de vision réelle. Et sans vision réelle, les choses deviennent floues et là, ça se gâte.
Et dans le mime, quand c'est flou, eh bien, on ne voit plus grand chose.
Il y a une dizaine d'années il y a une saynète que j'ai mimée des centaines de fois.
Alors, c'est l'histoire d'une intérimaire qui arrive dans un crématorium pour prendre la place d'un maître de cérémonie funéraire.
Évidemment, elle fait plein de gaffes et à un moment donné, elle flashe sur l'un des porteurs du cercueil.
Donc dans son élan, elle se précipite vers lui et. . . elle réalise qu'elle est en train d'enjamber le cercueil devant tout le monde.
Donc elle est gênée, elle s'excuse auprès du mort et puis elle continue. Bon, un moment plûtot drôle.
Et puis un jour, j'ai perdu un être cher. J'ai été à son enterrement, j'ai vu son cercueil, je l'ai touché et depuis, quand je pense à un cercueil, je pense à son cercueil.
Et depuis, quand je mime un cercueil, pour moi c'est la même chose, je pense à son cercueil.
Alors récemment, on a filmé cette saynète que je n'avais pas jouée depuis des années et puis arrivé à ce moment précis où je regarde le cercueil, je vois celui de mon ami.
Alors, j'essaye d'être drôle, de jouer quand même et et puis là, le réalisateur me dit : « Coupé ! AnLo, là, j'ai rien compris ! »
Forcément ! Ce n'était pas clair, ce que je mimais.
J'ai essayé de cacher quelque chose que je voyais et de faire comme si je voyais autre chose.
Mais est-ce que ce n'est pas la même chose quand on exige quelque chose de ses enfants sans conviction ? Ou qu'on demande à d'autres de s'investir dans un projet auquel on ne croit pas ?
Ça ne peut pas marcher ! Je ne peux pas demander aux autres de voir ou de légitimer quelque chose que moi, je vois sans conviction.
Alors, on a tous le choix de ce qu'on veut vivre, voir et transmettre. Vous allez me dire : « Dans le mime, c'est une évidence. »
C'est vrai, je rends visible ce que je veux.
Mais en fait, ici, dans cette salle, il y a plein de gens qui ont des projets très ambitieux.
Dans une association sportive, dans l'humanitaire, dans l'organisation d'événements comme TEDx, qui doivent motiver des bénévoles et peut-être que ces gens-là sont aussi des grands timides.
Mais quand ils revêtent leur costume, quand elles chaussent leurs talons de douze, ils font un choix, dans ce qu'ils veulent rendre visible.
Et on a tous ce choix-là.
Qu'est-ce qu'on veut rendre visible ? Qu'est-ce qui est suffisamment important pour moi au point de devoir être rendu visible ?
On est tous habité par des rêves, un endroit où on a envie d'aller, peut-être, une compétence qu'on veut développer.
Quelle est cette envie qu'on souhaite réveiller en soi pour ensuite la clarifier, pour qu'elle nous emmène au bon endroit, là où on veut être ?
Quel est cet essentiel dont je veux me rapprocher ? Si je ne vis pas cet essentiel, je ne pourrai pas le voir et si je ne vois pas cet essentiel, les autres ne pourront pas le voir non plus.
Nietzsche était athée. Il disait aux croyants qui voulaient le convaincre que Jésus-Christ était le sauveur du monde : « Pour que je puisse croire en votre sauveur, ayez l'air un peu plus sauvés. »
Et souvent, la conviction -- enfin, l'envie de convaincre, ça part d'un sentiment compréhensible.
Mais parfois, quand on veut à tout prix que l'autre voit, on finit par l'empêcher de voir l'essentiel, un peu comme le mime bavard.
Vivre quelque chose pleinement, le voir précisément me permet ensuite de le transmettre avec conviction.
Et mes spectateurs, les clients, les collègues pourront le voir aussi. Mais en tout cas, en avoir la lecture la plus claire possible.
Ce qui est essentiel pour moi là, tout de suite, ça pourrait être cela : Peut-être que vous avez vu exactement la même chose que moi, peut-être pas, mais dans le fond, peu importe.
Ce qui est essentiel pour moi, c'est qu'ensemble on ressente des choses et que je vous transmette des sensations.
Et vous, quel est cet essentiel que vous aimeriez transmettre ? C'est parce que vous verrez cet essentiel que les autres pourront le voir.
Merci.
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