法语助手

L'année dernière, pendant un week-end entre copines,
je pensais passer une soirée autour d'un bon repas.

Mais c'était sans compter sur ça.

Le retour de la Star Academy, émission culte des années 2000,
a réuni en moyenne 4,2 millions de téléspectateurs pour la saison 2022.

D'ailleurs, vous avez peut-être remarqué autour de vous d'autres références aux années 2000 ces dernières années.

Dans la mode, la musique, et même avec le retour de certains objets qu'on pensait enterrés.

Dans les médias, ça a tendance à un nom,
le Y2K, pour Years 2000, et tout simplement Années 2000 en bon français.

Mais pourquoi cette nostalgie des années 2000 revient en force depuis quelques années ?

Et comment expliquer qu'on aime autant regarder dans le rétro ?

Mon objet totem vraiment des années 2000, c'est le baladeur MP3, qui ne me quittait vraiment pas.

Moi je ne l'avais en cachette en collège.

Eux, ce sont Karl et Romaric.

Il y a dix ans, ils ont créé le collectif La Darude.

Leur idée : organiser des soirées au thème années 2000, avec des claviers Eurodance,
un genre de musique électro, et des looks de cette décennie-là,
avec un clin d'œil à un artiste de l'époque.

Du nom du DJ finlandais Darude, qui s'est fait connaître grâce à un clip qui s'appelle Sandstorm,
et qui rassemble un peu tous les codes des années 2000.

Avec des couleurs saturées, des personnages hyper lookés, un mode rave avec des lunettes de vitesse et aussi beaucoup d'humour.

Je pense aux génériques du dessin animé Sakura qui était de l'eurodance.

Donc forcément nous avec la Darude, quand on arrive et qu'on commence à balancer des morceaux d'eurodance qui ressemblent un petit peu à ce générique là,
le public se dit "ah mais je connais Sakura !"

Leurs démarches, comme celles des organisateurs des nuits "les bugs de l'an 2000" surfent sur la nostalgie de ces années-là.

Mais en fait, d'où ça vient ce sentiment de nostalgie ?

A l'origine, ce terme désigne une pathologie qui caractérise le mal du pays,
utilisé par un médecin en 1688.

La notion a ensuite évolué pour désigner au XIXe siècle non plus une maladie,
mais le regret d'un temps qui ne reviendra plus.

Je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre

Mais Romaric !

C'était pas si bien l'adolescence ?

Quand je me rappelle de mes années 2000, quand j'étais ado, c'était pas ouf en fait.

C'était pas ouf.

Mais le truc c'est qu'aujourd'hui, quand ça revient,
on va prendre que ce qui était bien,
que ce qui était cool.

C'est vrai ça d'ailleurs.

Pourquoi quand on est nostalgique d'une époque, on ne retient que le positif ?

La mémoire est une dialectique entre ce que l'on conserve et ce que l'on oublie.

Et c'est par ce jeu, cet effet de contraste entre ce qu'on va conserver et ce qu'on va oublier,
qu'on parvient à dessiner le passé finalement que l'on oublie.

Que l'on a envie de conserver au présent pour l'idéaliser.

Les mécanismes qui permettent cette idéalisation, en fait ils ne sont absolument pas nouveaux.

Reprenons la Star Academy, on est en 2001, Nico Saliaga s'est repéré pour présenter une toute nouvelle émission qui sera diffusée pendant 8 ans.

Bienvenue, soyez les bienvenus à Star Academy, que va-t-il se passer ?

Le principe est simple, des candidats participent à un concours de chant et de danse.

La nouveauté, c'est qu'ils sont enfermés dans un lieu où leur quotidien est un lieu filmé et diffusé quasiment en direct.

C'est le début de l'ère de la télé-réalité.

Mais la télévision a toujours capitalisé sur la nostalgie.

Si vous prenez la télé des années 60-70, on voit qu'il y a beaucoup de programmes de commémoration,
de manière de revisiter les pionniers de la télévision,
l'histoire de la télévision.

Les années 80, on voit apparaître des émissions du type "Les enfants de la télé".

Les années 2000, c'est aussi le moment où se multiplient les chaînes musicales qui diffusent en boucle des clips sur le modèle de MTV ou MCM.

C'était l'époque où on passait des samedis matins entiers,
scotchés devant la télévision, à regarder les clips des Black Eyed Peas et à apprendre leur chorégraphie.

La pratique de la rediffusion est en elle-même une pratique nostalgique,
une pratique d'historicisation, de sélection.

Et finalement, oui, c'est singulier la Starhack aujourd'hui,
mais ne pas oublier que ça reste les mécanismes médiatiques depuis presque les origines.

En octobre 2023, on a appris le retour de l'émission de télé-réalité "Secret Story" dans les prochains mois.

Ou encore du jeu télévisé "Le Maillon Faible", né en 2001, comme la Star Academy.

Mais si la mode est cyclique, en quoi les années 2000 sont-elles si particulières ?

2000, c'est un symbole, celui de l'arrivée du futur,
comme le soulignait le journaliste et critique de musique Simon Reynolds dans son essai de références rétro-mania.

Pour le coup les années 2000, ce qui a vraiment marqué toute une génération, c'est vraiment la démocratisation d'Internet en fait.

Prenons l'exemple de la mode.

Avant, c'était un domaine réservé à quelques privilégiés qui avaient accès au défilé.

Pour les dernières tendances, il fallait attendre la sortie du Elle.

Avec le tournant digital et avec l'apparition de plateformes comme Style.com,
c'était la mise en ligne, quelques heures seulement après le défilé,
de toutes les silhouettes.

En l'espace de quelques années à peine,
n'importe quelle personne avec une connexion internet et un ordinateur était capable de voir la mode en train de se faire.

La mise en réseau de ces images, de ces connaissances, c'est incroyable.

C'est ce que résume le critique Simon Reynolds dans Rétromania.

« Au fil des années 2000, l'intervalle entre le moment où quelque chose prend vraiment place et celui où on le revisite s'est insidieusement réduit. »

La mode des années 2000 doit aussi son retour à l'influence du body-positivisme.

Ce mouvement né aux États-Unis dans les années 2010 prône l'acceptation de tous les corps.

Dans les années 2000, Britney Spears ou Lori,
c'étaient des artistes avec des crop tops rose fuchsia,
des jeans taille basse, mais c'étaient surtout des corps minces qui correspondaient aux canons de l'époque.

Avec le body-positivisme, l'esthétique des années 2000 revient habillée.

Tous les corps, avec des morphologies très variées.

Il y a ce côté ultra girly, hyper assumé,
genre on récupère le cliché et on se l'intègre à nous-mêmes.

Le diktat en gros n'est plus un diktat puisque c'est notre choix de porter ce genre de choses,
d'être ultra sexy, féminité hyper exacerbée.

Les années 2000, c'est aussi une période de bouleversements politiques et sociétaux.

En 1990, le GIEC sort son premier rapport d'évaluation sur l'évolution du climat.

En 2001, une attaque terroriste touche les Etats-Unis,
et en France, les émeutes de 2005 éclatent à la suite de la mort de deux adolescents,
Ziad et Bouna, à Clichy-sous-Bois.

Les années 2000 sont le début d'une nouvelle ère médiatique,
marquée par la menace terroriste, les bouleversements au Proche-Orient et l'apparition des premières chaînes d'information en continu.

Plus on a un rapport au temps qui est ou compliqué du fait de l'accumulation des crises,
ou plus insaisissable du fait du sentiment d'accélération temporelle,
donc ça par exemple c'est ce qu'a démontré très bien un chercheur comme Hartmut Rosa.

Plus on va avoir tendance à créer des phénomènes de contrebalancier de compensation qui vont s'exprimer dans la nostalgie.

Et ce retour des années 2000 a une dernière particularité : une esthétique du kitsch.

Ce qui est considéré comme moche, ringard,
débraillé, trop coloré, va trouver une nouvelle place dans l'écosystème de la mode grâce au rapprochement entre le luxe et la pop culture trash des années 2000.

Le label en vogue GANY a signé en 2022 une collaboration avec Juicy Couture,
la marque iconique des survêtes à la mode.

Le kitsch à l'origine, ce sont des objets qui portent en eux un effet de contraste plus proche du dégoût,
mais un dégoût ironique, un dégoût amusé et dans les phénomènes de nostalgie contemporaine,
notamment musicale, on va venir finalement jouer sur ce kitsch de manière à le rehausser et en fait ce dégoût,
cette laideur, elle va être complètement transfigurée et devenir à l'inverse un signe de distinction
pour les catégories sociales dites dominantes ou en tout cas celles qui dictent la mode.

Les créateurs ont toujours cherché à piocher dans le passé des références glorieuses,
mais il y en a un qui a cassé ses codes,
un certain Yves Saint Laurent qui a présenté en 1971 une collection inspirée du mauvais goût des années 40.

On a souvent tendance à dire qu'il a ici un peu singularisé ce geste qui consiste à se dire le passé est un réservoir de belles et grandes histoires,
mais c'est aussi un réservoir pour des histoires un peu plus dissonantes.

C'est un plaisir ou un intérêt créatif d'aller chercher ces expressions de mauvais goût qui peuvent en fait être un ressort créatif.

Des créateurs récents ont su revaloriser des tendances et des pièces mal aimées des années 2000.

Moi je pense par exemple à la mini jupe avec des petits froufrous et un délavage pour vraiment pousser le truc à fond et un t-shirt comme ça,
donc ça c'est des débardeurs vraiment Jennifer Pinky vintage des années 90-2000 hyper iconiques,
ça j'adore.

Si on est autant attaché à remettre en avant des tendances du passé,
c'est aussi parce que ça peut nous faire du bien.

Depuis une dizaine d'années, la recherche s'intéresse aux effets de la nostalgie dans le cerveau.

Dans cette étude, des chercheurs ont montré qu'elle pouvait même réduire notre perception de la douleur.

Ils ont aussi montré que les expériences nostalgiques activent des zones cérébrales associées à l'introspection et la régulation émotionnelle.

Autrement dit, écouter une musique de votre adolescence permettrait de réguler l'activité cérébrale de ces zones.

Finalement, je me dis que ces soirées passées devant le Star Academy ne sont peut-être pas perdues.

Et vous alors, c'est quoi votre Madeleine de Proust des années 2000 ?