法语助手
2017-06-15
Dans la presse, certains sujets reviennent souvent. Et l'un d'eux, c'est celui du salaire moyen dans le pays.
Fin 2015, on pouvait par exemple lire sur le site jobat. be « Le Belge gagne en moyenne 3200 € brut par mois ».
Plus récent encore, en décembre 2016, l'un des sites les plus lus en Belgique francophone titrait « Voici le revenu moyen des Belges : 1473 € net par mois ».
En tant que statisticien, les articles du genre sont pour moi un véritable fléau. Ils sont souvent très courts, rédigés à la va-vite et donnent au lecteur une image biaisée de la situation salariale réelle dans le pays.
Ces articles de presse sont donc parfois plus proches de la désinformation que de l'information.
Ce que je vais faire avec Albert dans la vidéo du jour, c'est expliquer comment correctement faire les choses.
Pour commencer, Albert, nous allons représenter tous les salariés par cette boule bleue. Cette boule contient 100% des salariés à temps plein du pays.
Traçons maintenant un axe horizontal représentant les salaires bruts et étalons y tous ces salariés pour l'année 2014 selon les chiffres officiellement fournis par les autorités belges en 2016.
Le résultat que nous avons face à nous, c'est ce que les statisticiens appellent une "distribution". Grâce à cette distribution, ce qui se passe dans le pays est à présent d'une redoutable clarté.
Le gros des salariés, un peu moins de 80%, se trouve entre 1750 et 4130 € brut. Le salarié typique en 2014, c'était donc celui dont le salaire brut tombe entre ces deux bornes.
Et voilà Albert, ce n'était pas si difficile, quand même ? Et pourtant dans la presse, on voit très rarement apparaître la distribution des salaires, pour ne pas dire jamais !
A la place, le lecteur se voit servir une image illustrative profonde, faites vos jeux, les choix sont :
pluie de billets sur salarié ; liasse de billets élégamment agencés passant d'une main à l'autre ; ou fiche de paie accompagnée de son austère calculatrice.
Et le gagnant du jour est… pluie de billets sur salarié ! Une fois le travail d'écriture du journaliste achevé, il ne reste en général de la distribution des salaires qu'une seule chose : sa moyenne.
Et c'est bien là le problème. . . comment peut-on un seul instant espérer capturer quelque chose d'aussi complexe qu'une distribution par un seul nombre ?
Comme si cela ne suffisait pas, la moyenne est en plus une mesure statistique très inappropriée pour résumer une distribution de salaires.
Pour mieux s'en rendre compte, prenons un exemple.
Albert et ses meilleurs amis sont des petits chats très productifs. Ils chassent des papillons à l'extérieur en été, renversent des tas de trucs de janvier à décembre, régurgitent des boules de poils, bref, ce sont des travailleurs passionnés qui aiment le travail bien fait.
Pour ses services, disons qu'Albert recevait un brut de 2500 € par mois en 2014. Tandis qu'Oscar était à 2600, Marine à 3000, Max à 3100 et Emilie à 6500.
Avec leurs salaires de 2500 à 3100 €. Albert, Oscar, Marine et Max formaient clairement un groupe homogène dont Emilie avec ses 6500 € ne faisait pas partie.
Si on calcule le salaire moyen d'Albert à Max, nous obtenons une moyenne de 2800 €.
Bien qu'aucun des 4 chats concernés n'a gagné ce salaire en 2014, tous sont assez proches de cette valeur, et quelqu'un qui tenterait de résumer la situation des quatre chats par cette moyenne ne se tromperait pas.
Ajoutons maintenant le salaire d'Emilie dans le problème.
Si on calcule le salaire moyen des cinq petits chats, nous obtenons à présent… 3540 €.
Un salaire moyen bien différent des 2800 € obtenus il y a quelques instants !
Ce nouveau salaire moyen reflète très mal ce qu'Albert, Oscar, Marine et Max gagnent puisqu'ils sont tous les quatre en-dessous de cette nouvelle moyenne de 440 à même 1040 € dans le cas d'Albert.
L'image obtenue de tous les petits chats via cette nouvelle moyenne ne colle pas à la réalité de façon satisfaisante.
Le même phénomène se produit avec les salaires en Belgique et dans la plupart des pays du monde.
L'existence d'une minorité de salariés aux revenus élevés amène à une contamination de la moyenne, la tirant vers une valeur qui n'est au final pas représentative du gros des salariés.
En Belgique en 2014, le salaire brut moyen était ainsi de 3414 € un salaire que deux tiers des salariés n'atteignaient en fait pas.
Si l'on souhaite correctement résumer une distribution, il faut au minimum en calculer les quintiles.
L'idée, c'est de diviser les salariés en cinq blocs de 20%.
Ainsi, en 2014, 20% des salariés gagnaient moins de 2440 € par mois, 20% se trouvaient entre 2440 et 2800, 20% entre 2800 et 3209, etc, comme affiché à l'écran.
Les quintiles se sont les quatre valeurs sous l'axe que l'on peut d'ailleurs numéroter de la plus petite à la plus grande.
Ensemble, les quintiles résument la distribution des salaires de façon nettement plus riche et satisfaisante que la moyenne.
Et on peut les utiliser pour facilement situer son propre salaire par rapport au reste des salariés.
Ainsi, Albert, avec ton salaire fictif de 2500 € en 2014, tu tombes entre le 1er et le 2e quintile.
20% des salariés au moins gagnaient donc moins que toi et 60% au moins gagnaient davantage.
Une version plus raffinée de tout ceci consiste à diviser les salariés non pas en 5 blocs un peu grossiers de 20%, mais en 10 blocs plus fins de 10%.
Le résultat est le suivant.
Les valeurs sous l'axe allant de 2220 à 5178 ne sont alors plus appelées les quintiles, mais les déciles, et il y en a 9 au total.
Le 5e décile, dont la valeur est 2976, est un peu particulier.
Il divise tous les salariés en deux blocs de 50%.
Tu le connais probablement, Albert, sous le nom de médiane.
50% des salariés dans le pays gagnaient moins de 2976 € en 2014 et 50% gagnaient plus.
Si je fais l'exercice de situer le salaire d'Albert sur base des déciles, je constate qu'avec 2500 €, il tombe entre le 2e et le 3e décile.
Il y a donc au moins 20% des gens qui gagnaient moins que lui en 2014 et au moins 70% qui gagnaient davantage.
Pointer du doigt de façon systématique ceux qui utilisent la moyenne pour résumer une distribution de salaires serait toutefois une erreur.
Après tout, cela a quand même du sens de constater que, par exemple, le salaire moyen dans la petite ville de Dinant était égal à 73% du salaire moyen à Anvers et à seulement 66% du salaire moyen à Bruxelles.
Ou que le salaire moyen d'une femme occupée à temps plein en 2014 n'atteignaient que 94% de celui d'un homme.
Ou encore que quelqu'un travaillant dans le secteur de la restauration gagne en moyenne 57% de celui travaillant dans l'industrie pharmaceutique, et seulement 47% de celui travaillant dans l'industrie pétrochimique.
Retiens, Albert, que disséquer la situation salariale dans le pays est une tâche très complexe.
Mais si tu as bien compris ce que je t'ai raconté aujourd'hui, mon espoir est que tu réussiras à faire face aux articles de presse sur le sujet avec un peu moins de crédulité que par le passé.
Cette vidéo est la seconde à avoir bénéficié d'un financement partiel via nos fans.
Si vous aussi vous souhaitez soutenir Albert et l'aider à vivre toujours plus d'aventures, rendez-vous sur tipeee. com/amisdalbert
Merci de nous avoir regardé et à très bientôt pour une prochaine vidéo.
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