法语助手
2022-07-06
Ça, vous voyez, c’est une carte d’identité française. 
Pratique, non ? 
Heureusement, depuis le 2 août dernier, on en a une nouvelle qui ressemble à ça. 
Elle est au format carte bancaire, biométrique, plus sécurisée. 
La grande classe, quoi ! 
Donc c’est super, tout le monde est content. 
Enfin, non, pas tout le monde. 
Pas l’Académie française. 
L’Académie française, elle est vénère 
parce qu’elle déteste cette  nouvelle carte d’identité. 
Ah oui, « vénère », c’est un mot d’argot pour dire « énervé ». 
C’est du verlan, quand on change l’ordre des syllabes d’un mot : énervé => vénère. 
C’est comme « cimer » pour « merci ». 
J’explique ça parce que 
c’est une vidéo pour les étrangers qui apprennent le français, 
pas pour vous mes chers compatriotes ! 
Mais avant de vous expliquer pourquoi, 
je voulais vous dire que vous pouvez télécharger la transcription de cette vidéo 
en vous inscrivant  à notre liste email. 
Il suffit de cliquer sur le lien dans la description. 
D’ailleurs, en plus de la transcription,  vous trouverez 
une liste de vocabulaire avec les expressions de cette vidéo 
et un quiz pour vérifier si vous avez  bien compris tous les points. 
C’est totalement gratuit et vous pouvez vous désinscrire à tout moment. 
Alors, pour commencer, l’Académie française, qu’est-ce que c’est ? 
C’est une institution qui a été créée au XVIIe siècle pour 
Elle est composée d’une quarantaine  de membres qu’on appelle les Immortels. 
Ce qu’il faut savoir, c’est que l’Académie  française n’a aucune autorité officielle, 
contrairement par exemple à 
la Commission d’enrichissement de la langue française 
qui, elle, peut décider la création de  nouveaux mots ou termes techniques. 
Les Immortels n’ont aucun pouvoir de décision et tant mieux 
parce qu’il y a une seule linguiste parmi eux, 
donc leur expertise est assez limitée. 
Mais ça ne les empêche pas de donner leur avis 
sur tout ce qui touche de près ou de loin au français. 
Par exemple, après plusieurs mois de pandémie, 
ils ont essayé de convaincre 66 millions de Français 
de dire « la Covid » au lieu de « le Covid », 
pour eux, c’était ça, l’urgence sanitaire. 
Ok mais quel rapport avec la nouvelle carte d’identité ? 
Eh bien, cette fois, le problème selon l’Académie, 
c’est que sur cette  nouvelle carte d’identité, 
les informations sont écrites en français ET en anglais. 
Vous voyez là, à côté de nom, « surname », 
et pour « sexe », « sex » sans « e » à la fin ! 
Ça, pour l’Académie française,  c’est tout simplement un cauchemar. 
Je vais citer Hélène Carrère d’Encausse, son secrétaire perpétuel 
(j’ai dit « son secrétaire » et pas « sa » parce que madame Carrère d’Encausse 
est contre la féminisation des titres et des professions) 
Alors oui, j’avais prévu de faire cette  vidéo pour me moquer des Immortels. 
Mais je dois avouer que pour une fois, ils ont quelques arguments intéressants. 
Déjà, il faut comprendre pourquoi l’État français 
a décidé d’ajouter les traductions  en anglais sur la carte d’identité. 
C’est un document très important 
donc c’est pas le genre de décision qui est prise à la légère. 
« À la légère », vous connaissez ? 
Changer la carte nationale d’identité, 
c’est pas une décision que l’État prend à la légère. 
En fait, il était obligé de le faire 
pour respecter une directive européenne adoptée en 2019. 
Cette directive impose aux États membres de l’Union européenne 
de traduire le nom du document d’identité 
dans au moins une autre langue d’un État membre. 
L’objectif de cette directive, c’était de faciliter les contrôles d’identité 
et donc les déplacements, les voyages dans l’Union européenne. 
Oui parce qu’au cas où vous ne le saviez pas, 
les citoyens européens peuvent voyager dans l’Union sans passeport, 
juste avec leur carte nationale d’identité. 
Et c’est vrai que 
quand votre carte d’identité ressemble à une carte de bibliothèque comme la nôtre, 
ça peut être une bonne idée de traduire le nom du document. 
Mais selon l’Académie française, 
il y a deux problèmes graves avec cette nouvelle carte d'identité. 
Le 1er, c’est que la directive impose  seulement de traduire le nom du document, 
c’est-à-dire « carte nationale d’identité ». 
Donc pourquoi faire du zèle en traduisant toute la carte ? 
L’État français a fait du zèle. 
Rien ne l'obligeait à traduire toutes les informations sur la carte d’identité. 
Et ça, comme vous l’avez entendu quand  j’ai cité Hélène Carrère d’Encausse, 
c’est un signe de faiblesse. 
Ça « affaiblit le poids de la langue française ». 
Ça montre que l’État reconnaît la domination de l’anglais 
non seulement dans l’Union européenne, 
mais aussi sur son propre territoire ! 
Parce que oui, 
la carte d’identité peut être utilisée pour voyager dans l’Union européenne, 
mais elle sert surtout à prouver son identité en France 
où la seule langue officielle est le français ! 
Et puis, selon l’Académie française, 
c’est un mauvais signal pour la francophonie. 
Quel intérêt ont les gens  à parler le français 
si même en France,   on traduit tout en anglais ? 
Encore quelques  décisions comme celle-là 
et vous verrez que dans cinquante ans,  le français aura été remplacé par l’anglais ! 
Bien sûr, cette peur n’a rien de nouveau. 
Ça fait des siècles que des Académiciens ou d’autres lettrés 
nous disent que le français est menacé de « remplacement ». 
Au début, c’était par l’italien,   puis ça a été l’anglais 
et aujourd’hui, on entend  la même chose avec l’arabe. 
Mais n’importe quel linguiste vous dira  que cette peur est infondée 
et qu’elle n’a aucune base scientifique. 
Le 2nd problème, il est plus pertinent à mon avis, c’est le choix de l’anglais. 
Le Royaume-Uni a officiellement quitté l’Union européenne. 
Il reste seulement deux États membres  qui ont l’anglais comme langue officielle 
(l’Irlande et Malte), 
et ils ne représentent qu’1% des habitants de l’UE. 
Donc pourquoi ne pas avoir choisi l’allemand, l’italien ou l’espagnol par exemple ? 
Et pourquoi uniquement l’anglais ? 
Nos voisins allemands et autrichiens  ont décidé de traduire 
en anglais ET en français, 
mais nous, on leur a pas renvoyé l’ascenseur. 
« Renvoyer l’ascenseur », c’est une autre expression familière. 
Un ascenseur, vous savez, c’est une cabine pour monter ou descendre 
d’un étage à l’autre dans un bâtiment. 
Quelqu’un vous a fait une faveur, donc vous lui en faites une à votre tour. 
La France n’a pas renvoyé l’ascenseur à l’Allemagne et à l’Autriche. 
Alors oui, d’un côté, ça semble logique  de choisir l’anglais. 
C’est souvent la première langue étrangère 
que les citoyens de l’Union européenne apprennent à l’école, 
et c’est de loin celle qui est la plus largement comprise. 
Donc avoir ces informations en anglais sur les documents d’identité, 
ça facilite la vie des agents de contrôle dans les aéroports etc. 
D’ailleurs, ça fait presque quarante ans 
que notre passeport est traduit en anglais 
et ça a jamais choqué qui que ce soit. 
Mais contrairement à notre nouvelle carte d’identité, 
notre passeport européen est traduit  dans dix langues en plus de l’anglais. 
Et ça, c’est une critique plus légitime à mon avis. 
Cette nouvelle carte d’identité   ne prend pas en compte 
la richesse des langues parlées dans l’Union européenne. 
C’est pour ça qu’un collectif  d’écrivains et d’artistes a proposé que 
chaque région française choisisse une langue différente. 
Par exemple, en région parisienne, 
les gens pourraient avoir leur carte  d’identité traduite en lithuanien, 
en Bretagne, elle serait en espagnol, 
et en Corse, je sais pas moi, en tchèque, par exemple. 
Bon, c’est une idée séduisante sur le papier mais à mon avis, 
elle poserait pas mal de problèmes logistiques… 
Et puis, si on choisissait d’autres langues que l’anglais, 
sur quels critères on devrait se baser ? 
Le nombre d’habitants du pays ? 
Son poids dans l’économie européenne ? 
Le nombre de Coupes d’Europe  gagnées par son équipe de foot ? 
Et comment éviter de vexer les petits pays 
dont la langue n’apparaîtrait sur aucune autre carte d’identité ? 
Alors bien sûr, on pourrait dire que 
l’Académie française est dans son registre habituel à pleurer 
le déclin de notre pauvre français,  jadis langue officielle de la diplomatie ! 
Mais je trouve que, pour une fois, elle soulève aussi une question intéressante. 
Pas de savoir s’il faut traduire ou non la carte d’identité, 
mais de savoir quelle(s) langue(s) on doit choisir. 
Est-ce qu’on adopte la solution pragmatique avec l’anglais, 
ou la solution « symbolique » avec  d’autres langues européennes ? 
Plus largement, ça permet de se demander ce qu’est une langue. 
Est-ce que c’est juste un outil de communication, 
ou aussi une partie de notre identité ? 
Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez 
donc si vous avez le temps, 
laissez un petit commentaire pour participer au débat ! 
Et dites-moi aussi si votre carte d’identité est traduite 
dans une ou plusieurs autres langues  pour qu’on puisse comparer. 
Maintenant, qu’est-ce qui va se passer avec cette nouvelle carte d’identité ? 
Ça fait déjà plusieurs mois que l’Académie française 
demande au gouvernement de retirer les traductions. 
Mais jusqu’ici, elle n’a reçu aucune réponse. 
Apparemment, le gouvernement est comme le reste des Français : 
il n’en a rien à faire des recommandations des Immortels ! 
Donc là, ils sont passés aux choses sérieuses. 
Ils ont envoyé un ultimatum au Premier ministre Jean Castex. 
Il a deux mois pour changer la carte d’identité, 
sinon l’Académie saisira le Conseil d’État, 
qui est la Juridiction suprême  de l’ordre administratif. 
Si ça arrive, ça sera la première fois que l’Académie française attaque l’État. 
Personnellement, j’ai très envie de voir ça 
du coup j’espère que Jean Castex va ignorer leur ultimatum ! 
Affaire à suivre donc. 
Et en attendant, moi, je vous dis à bientôt pour une prochaine vidéo ! 
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