法语助手
2017-12-11
Il y a quelque temps, je suis tombé sur une expérience qui transforme des petits singes normaux en petits singes marchands. Les petits singes, c'est cool, l'argent, c'est cool aussi, et quand le menu est aussi bon, y a pas vraiment besoin d'intro.
Pour vous parler de tout ça, je vous présente Laurie Santos, une chercheuse en psychologie à Yale, qui respire la vie, donne de l'argent à des singes et a une tendance fétichiste pour les pattes d'animaux. J'déconne pas.
Ce qui m'intéresse le plus, par contre, c'est qu'elle se pose des questions super-profondes et qu'elle y répond. Elle s'intéresse notamment à notre irrationalité. Enfin, surtout celle des autres ! Pas la tienne, ni la mienne. Juste celle des autres.
— Hein ? — Non, pas la tienne nom plus, Mattéo !
[soulagement]
C'est mieux !
Ce qu'elle cherche à comprendre, c'est pourquoi les hommes font des choses irrationnelles, voire carrément stupides, notamment avec leur argent.
Vous allez me dire : « Mais tout ça, on s'en fout ! » Et pourtant non.
Parce que s'il est toujours difficile de dire qu'une crise financière est causée par tel ou tel élément, certains comportements irrationnels n'aident vraiment pas du tout.
Et puis, plus proche de notre quotidien, on peut trouver plein de petits trucs qui peuvent nous interroger.
Par exemple : « Pourquoi, dans les magasins, il y a si souvent des trucs à la con offerts gratuitement plutôt qu'une simple réduction ? »
« Pourquoi les chauffeurs de taxi (ou de VTC, puisque c'est d'actualité) ont tendance à travailler plus longtemps les jours calmes que les jours avec beaucoup d'activité, alors que l'inverse est plus profitable ? »
Ou « Pourquoi tu as toujours un abonnement à 10 euros par mois qui te sert à rien alors que tu achètes des pâtes premier prix pour économiser 70 centimes par mois ? »
Bref, je pourrais continuer pendant des heures tellement notre relation à l'argent peut être plus ou moins irrationnelle, voire parfois totalement stupide.
Mais quelle en est la cause ?
Est-ce que c'est l'Homme qui est irrationnel à la base, l'évolution nous ayant faits ainsi ?
Ou est-ce que ce sont les systèmes que nous avons construits qui sont trop complexes pour notre intelligence ?
Hein ? D'après toi ? La réponse A, ou la réponse B ?
[silence pesant]
Pour tenter de répondre à cette question, Laurie Santos va donner de l'argent à des singes.
Dit comme ça, ça paraît très très con, mais l'idée, c'est que les singes sont les trucs avec qui nous partageons un ancêtre commun pas trop lointain. . . . . . et que, du coup, leur comportement présente pas mal de similarités avec le nôtre.
Par contre, une des grandes différences, c'est qu'ils n'évoluent pas dans les mêmes systèmes sociaux que nous, et ne connaissent pas les proverbes du type : « Une truite dans la marmite vaut plus que deux saumons dans la rivière. »
Donc faire une expérience sur des singes devrait nous permettre d'obtenir un début de réponse à la question « D'où vient notre irrationalité ? »
On arrive à l'expérience. Celle-ci a été réalisée avec Keith Chen, qui, lui, est un économiste comportemental. Mais avant tout, il faut que les singes apprennent à se servir d'argent.
Cela peut paraître compliquer comme ça, mais apparemment, les singes comprennent assez vite qu'une pièce achète un raisin, que deux pièces = deux raisin, et ainsi de suite.
Pour acheter leur raisin, ils doivent se rendre dans une pièce spéciale : le marché, où deux marchads les attendent.
Un est habillé en orange, et l'autre en bleu.
Et la preuve qu'ils utilisent bien ces pièces comme de l'argent, c'est qu'ils sont sensibles aux variations de prix.
Par exemple : si le marchand orange fait une promotion et offre deux raisins pour une pièce, alors les singes vont modifier leur comportement et privilégier le marchand orange. Comme nous, avec l'argent.
Une autre preuve, c'est qu'à partir du moment où l'argent apparaît, on commence à avoir des comportements que l'on retrouve chez nous.
Les singes commencent à se voler les uns les autres, voire même. . . à se prostituer.
Mais bon. Comme le but, c'est pas non plus de faire un petit cirque de traders primates, les chercheurs vont modifier le marché pour mettre les singes en face de situations un peu particulières.
Avant de voir ces situations particulières, on va se faire un petit pari, juste tous les deux.
Le principe est assez simple : je te donne des billets, et tu choisis si tu préfères prendre des risques pour avoir plus, ou la jouer un peu plus safe.
Et pour commencer, je vais te filer un billet de 500 euros.
Vas-y, prends-le ! J'te dis : prends-le !
Maintenant, je vais te demander de choisir entre ces deux mains : la main bleue, et la main orange.
Si tu choisis la main bleue, je te donne un billet de 500 euros en plus de ce que tu as dans les mains. Et si tu choisis la main orange, tu as une chance sur deux de gagner deux billets de 500 euros en plus.
Donc je lance une pièce, et si c'est pile, tu te retrouves avec 1'500 euros ; ou si c'est face, seulement avec 500 euros.
Réfléchis à ce que tu pourrais faire de cet argent. On fait une pause si t'as besoin, et choisis la main bleue ou la main orange.
Et maintenant, on arrive au moment de lancer la pièce.
Mais avant de voir ce que ça donne, on a un deuxième pari.
[rire démoniaque]
Cette fois-ci, je vais te filer 1'500 euros pour ta participation. Là encore, tu as à choisir entre la main bleue et la main orange.
Mais cette fois-ci, les mains ne sont plus aussi cool, parce que, là, tu vas décider de comment tu vas perdre de l'argent.
Si tu choisis la main bleue, elle te prend un billet de 500 euros, comme ça, direct, sans que tu puisses rien y faire. Si tu choisis la main orange, il y a une chance sur deux qu'elle te prenne deux billets, soit 1'000 euros.
Mais ça signifie également qu'avec la main orange, tu as une chance sur deux de garder ce que tu as dans la main.
Si tu as besoin d'une pause avant de répondre, n'hésite pas ! bien que ça tuerait un peu le suspense et la musique de fond !
Mais dis-moi : qu'est-ce que tu choisis ? La main bleue ? Ou la main orange ?
Maintenant, voyons si tu es passé à côté d'une pile de thunes !
Et justement. . .
C'est pile !
Par contre. . . euh. . . tu as rien gagné, en fait. Tu peux lire les conditions d'utilisation : c'est marqué tout en bas que tu ne gagneras rien en regardant cette vidéo.
Ce qui est intéressant, c'est que ce type de pari a été fait en laboratoire, et qu'il montre que notre goût du risque varie selon les situations. Nous sommes, en général, plus tentés de prendre des risques pour éviter de perdre que pour gagner.
Je sais pas si c'est quelque chose que vous avez ressenti, même un tout petit peu, lors de notre deuxième petit pari. C'est un phénomène que l'on appelle « l'aversion à la perte », ou « loss aversion ».
Ce concept a été mis en évidence par Daniel Kahneman et Amos Tversky, ce qui leur a valu le [charabia en russe].
Autrement dit : le Nobel de l'économie. Sans qu'ils soient eux-même économistes, d'ailleurs !
Si tu veux voir un peu d'aversion à la perte de tes propres yeux, je t'invite fortement à aller faire un tour sur le vidéo de Veritasium, qui illustre très très bien cela, et qui prouve que le dicton de « Une truite dans la marmite vaut mieux que deux saumons dans la rivière » est un truc vraiment sérieux pour nous.
L'idée étant que l'on évalue l'importance des pertes deux fois plus que celle des gains.
Maintenant, en mettant les singes en face de situations similaires, on devrait pouvoir voir s'ils partagent cette irrationalité avec nous.
Ce qui devrait nous aider à savoir si cette aversion à la perte est liée à notre société, ou si elle est plus profonde que cela.
Les singes sont donc mis en face des deux situations similaires aux paris de tout à l'heure. Ils ont le choix entre un marchand qui représente le chemin risqué (le marchand orange), et l'autre le choix sûr (le marchand bleu).
Pour l'équivalent du premier pari (donc du gain), les deux marchands offrent un raisin pour une pièce. Et puis le marchand bleu, en plus de cela, va rajouter un raisin à tous les coups ; alors que le marchand orange, lui, va ajouter deux raisins, mais seulement une fois sur deux.
Pour la situation de la perte (l'équivalent du deuxième pari), les deux marchands offrent trois raisins pour une pièce, sauf que, cette fois, le marchand bleu retire un raisin systématiquement, alors que le marchand orange retire deux raisins une fois sur deux.
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais si on remplace les raisins par des billets, on a exactement le pari de tout à l'heure. Et on va voir, justement, comment les singes agissent en face de ces deux situations.
Est-ce qu'ils agissent de manière plus rationnelle que nous dans cette expérience ?
La réponse est non. Quand on compare les résultats des singes et des Hommes, on retrouve des résultats qui sont proches. Tellement proches que l'on ne pourrait pas différencier les singes des Hommes si on avait que leurs résultats. C'est quand même assez hallucinant.
Par contre, avant d'en conclure quoi que ce soit, je pense qu'il est important de connaître les limites de toute recherche expérimentale. Qu'est-ce qui nous dit que les singes utilisés dans cette expérience ne sont pas différents de tous les autres singes ?
Pour cela, il faudrait donc reproduire l'expérience dans d'autres laboratoires pour être sûr que ce qui est observé là n'est pas simplement le fruit du hasard.
N'oublions pas non plus que les humains ne sont pas des singes, et inversement. L'expérience suggère une parenté commune à notre irrationalité partagée, et, en soi, c'est déjà vraiment impressionnant.
D'ailleurs, Laurie Santos indique elle-même qu'il faut aller plus loin pour confirmer ces résultats.
Par exemple, en faisant ce genre d'expérience sur des bébés. Apparemment, c'est un truc qui se fait. . .
Mais si on ne peut pas totalement mettre certaines critiques de côté, on peut toutefois s'intéresser aux conclusions que l'on peut tirer des expériences de Laurie Santos, de Keith Chen, et de toute l'équipe de Yale.
Parce que, plus celles-ci sont intéressantes, et plus on a intérêt à aller chercher la réponse.
Qu'est-ce qu'on peut retirer de tout ça ?
Certains n'y verront sans doute qu'une critique de l'argent et des marchés, point – à la ligne.
On donne de l'argent à des singes, et bam ! , direct, ils agissent en petits gangsters irrationnels.
Et, d'un côté, c'est pas faux. Mais on peut aller un peu plus loin. Parce qu'on peut voir ça comme un rappel à nos origines.
Avoir « gagné » l'évolution des espèces ne signifie pas s'en être détaché. Notre passé, et notamment la manière dont notre cerveau s'est développé, a peut-être un peu plus d'influence sur nous que nous voudrions bien l'admettre.
Ainsi, il y aurait des erreurs que l'on peut éviter facilement par l'apprentissage, en modifiant notre culture ou notre société, et puis, d'autres qui seraient un peu plus profondes, et seraient juste codées en nous.
La conclusion de Laurie Santos, c'est que nous devrions peut-être chercher à mieux comprendre, et surtout, accepter ses erreurs pour mieux les prendre en compte dans les systèmes et les environnements que nous construisons autour de nous, et pour nous.
De plus en plus d'économistes sont en train de le faire, comme par exemple Xavier Gabaix dans cet article publié sur le Quarterly Journal of Economics. Et si vous voulez voir à quoi ressemble un papier vraiment hardcore, je vous ai mis le lien dans la description. Je vous souhaite bon courage !
Dernière chose : cette expérience, c'est aussi une tentative de rapprochement de l'économie et des sciences humaines, en général, avec la psychologie et la biologie.
Je ne parle pas ici d'associations malheureuses comme l'a pu être le darwinisme social, mais davantage de s'intéresser à ce que la biologie a à nous dire pour mieux comprendre nos comportements.
Bien sûr, le fait que ces erreurs puissent être profondément ancrées dans le cerveau ne nous condamne pas à les faire pour l'éternité.
L'espèce humaine dépasse chaque jour un peu plus les limites de son corps et son esprit. D'ailleurs, c'est peut-être un peu le pouvoir spécial de notre espèce.
C'était Stupid Econimics.
Sur ce. . .
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