法语助手
2023-08-10
En 2017, en Inde, c'est l'outrage. Tout part d'un tweet publié par un
groupe d'humoristes, qui fait croire que le président indien, Narendra Modi,
a pris une photo avec le célèbre filtre "chien" de Snapchat calqué sur son visage.
La controverse est immédiate. La photo est vue comme un manque de respect envers le président,
mais ce n'est pas tout : le filtre chien de Snapchat choque encore plus.
S'il a pourtant l'air relativement innocent, le filtre est en fait considéré, notamment aux Etats-Unis,
comme un « hoe filter », utilisé seulement par les femmes pour draguer.
Eh oui, les filtres à selfie ne sont pas neutres, et ils ont une histoire.
Pour tout comprendre aux filtres à selfies, il faut revenir en arrière.
Les filtres à photo existent depuis longtemps.
Avant même l'arrivée des smartphones et des appareils photo numériques,
des filtres physiques, « en dur », étaient utilisés.
Il s'agissait de plaques de plastique colorées que l'on positionnait devant l'objectif afin de donner une teinte différente à la photo.
Mais les filtres tels qu'on les connaît aujourd'hui apparaissent en 2011,
avec Instagram. La version 2.0 de l'app permet de choisir des filtres
sur une photo : c'est le début de Sierra, Mayfair, Sutro, Amaro et Willow.
On compte aujourd'hui une vingtaine de filtres sur Instagram, qui varient au fil du temps.
L'autre révolution arrive avec Snapchat, qui lance "Lens" en septembre 2015.
Avec Lens, on peut avoir accès à des filtres en 3D en réalité augmentée,
qui peuvent même être utilisés en temps réel, dans des vidéos.
C'est en 2015 que le filtre chien fait son apparition, avec le filtre Terminator,
et le filtre vomi arc-en-ciel...
Cette petite prouesse technique,
Snapchat la doit à Looksery, une startup installée en Ukraine qu'elle a rachetée 150 millions d'euros.
Looksery a développé une technologie de pointe de reconnaissance faciale,
qui permet de reconnaître certaines parties du visage et suivre les mouvements des utilisateurs.
C'est un succès IMMENSE. Tout le monde se prend en photo avec les Lens développés par Snap,
tout particulièrement le filtre chien que Kim Kardashian immortalise.
Et comme le monde est sexiste, c'est cette photo de Kim K qui a cristallisé les critiques autour du filtre à chien.
Et puis Snapchat ouvre la possibilité à tout le monde de créer ses propres Lens :
il en existe aujourd'hui plus de 3 millions.
Le succès ne s'arrête pas là. Instagram et Facebook (du même groupe Meta) copient
l'idée et proposent à leur tour des filtres à selfie animés.
En 2020, un article de The Economic Times rapportait que près de 600 millions de personnes utilisaient
des filtres à selfie en réalité augmentée tous les mois, rien que sur Facebook et Instagram.
Avec TikTok, la tendance est encore plus accentuée, notamment avec le filtre Bold Glamour,
qui fascine par son réalisme, mais fait aussi polémique.
Comme d'autres filtres servant à "rendre plus beau", Bold Glamour ne propose en fait que des traits "euro-centré",
l'archétype des standards de beauté occidentaux, irréalistes et très différents de la morphologie d'autres pays.
Ces filtres sont accusés de causer de graves problèmes chez les utilisatrices,
surtout les plus jeunes, particulièrement en matière de confiance en soi, allant même
jusqu'à créer des problèmes de dysmorphie, et à pousser à la chirurgie esthétique.
Mais le filtre Bold Glamour lancé en mars 2023 marque un autre tournant dans le monde de l'image.
C'est la première fois que le grand public a accès à un filtre qui s'adapte au visage
grâce à de l'intelligence artificielle.
Regardez sur les vidéos : lorsque les
jeunes femmes passent leur main devant leur visage, le filtre ne bouge quasiment pas,
rendant l'illusion quasi parfaite.
Un degré de réalisme qui interroge sur l'authenticité des
contenus en ligne : demain, sera-t-il encore possible de distinguer ce qui est vrai du faux en ligne ?
On en viendra peut-être à regretter l'époque du filtre chien.
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