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Où sont les Bouguereau ?

On m'a dit qu'il y avait une Vénus de toute beauté.

Quelle allure, cette Vénus !

Tant de talent, de savoir, tant de laborieux entrain.

Et ces cheveux.

Vous avez vu les centaures ?

Moi, je préfère les nymphes.

A qui le dites-vous !

Au salon de peinture et de sculpture de Paris de 1879, la Naissance de Vénus, de William Bouguereau, réunit toutes les conditions pour être applaudie : un grand format, un sujet mythologique, mais aussi de nombreux personnages, ainsi qu'une peinture parfaitement lisse, aux tons délicats, qui ne laisse pas apparaître la touche du pinceau.

Le plubic admire la silhouette élancée et la peau d'albâtre de la déesse de l'amour, se tenant délicatement debout sur son coquillage.

A l'époque, seule une peau qui n'a pas bruni par le soleil entre dans les critères de beauté.

Bouguereau est considéré comme l'un des plus grands représentants de la peinture académique.

Il est apprécié du jury du Salon, composé de peintres qui ont la même formation que lui et défendent la tradition en peinture.

Il paraît qu'il y a 3 040 œuvres exposées au Salon, cette année.

Vous vous rendez compte ? Ça fait beaucoup, non ?

Ma chère, 1879 devrait être un excellent cru.

Zola se plaint du niveau qui a baissé.

D'après lui, ce serait en raison du nombre de tableaux.

Ils ne sont jamais contents, ces critiques !

Moi, j'aime bien les portraits et les paysages.

Ma chère, vous n'y êtes pas !

Il n'y a que la peinture d'histoire qui soit digne d'intérêt.

Elle seule révèle les grands peintres.

Depuis le XVIIe siècle se tient à Paris le Salon de peinture et de sculpture.

C'est un passage obligé pour tout artiste qui espère voir son œuvre récompensée par un prix et, consécration suprême, achetée par l'Etat.

Pour cela, il faut respecter un certain nombre de critères.

Tout en haut de la liste des sujets à représenter, il y a la peinture d'histoire, avec des scènes mythologiques, historiques, ou encore religieuses.

Le tableau doit s'appuyer sur des textes classiques, porter un message moral et exalter des sentiments nobles.

Une chose bien dessinée est toujours assez bien peinte.

C'est ce que professe le peintre Ingres, pour qui la ligne et le dessin sont plus importants que la couleur.

Dans son tableau, les proportions idéalisées de cette femme qui personnifie une source évoquent une sculpture en marbre, une Vénus qui sort des eaux, un thème mythologique qui montre toute l'admiration que l'artiste a pour la statuaire antique.

Même si sa pose et le format vertical évoquent une sculpture, l'artiste emploie son savoir-faire pour créer une illusion de la réalité.

Bouguereau s'est inspiré de cette pose pour sa Naissance de Vénus, ainsi que de celle d'une célèbre peinture de Botticelli datant de la Renaissance italienne, soit 400 ans auparavant.

Si son tableau suscite l'enthousiasme du public et un achat par l'Etat, il se heurte toutefois à des critiques de plus en plus sévères qui dénoncent cet art tourné vers le passé, si éloigné des sujets de la vie moderne.

Ce n'est plus de la porcelaine, c'est du léché flasque !

C'est je ne sais quoi, quelque chose comme de la chair molle de poulpe. . .

Une baudruche mal gonflée, ni muscles, ni nerfs, ni sang. . .

C'est par un miracle d'équilibre que cette malheureuse tient debout.

Déjà, en 1863, le jury du Salon de peinture rejette plus de 3 000 œuvres sur les 5 000 présentées et suscite une grande contestation auprès des artistes.

Parmi eux, Edouard Manet, dont Le Déjeuner sur l'herbe provoque un immense scandale.

Ce n'est plus une nymphe gracieuse entourée de chérubins, mais une jeune femme dévêtue, Victorine Laurent, un modèle professionnel qui, assise sur ses vêtements, nous lance un regard plein d'audace.

Le tableau choque d'autant plus qu'il s'appuie sur les codes de l'académisme.

Alors à quoi reconnaît-on une peinture académique ?

Le dessin est très précis, la peinture lisse et la toile de grand format.

Les personnages sont idéalisés, souvent nus.

Les sujets sont mythologiques, religieux ou historiques, et portent un message moral.