法语助手
2022-07-15
3 juillet 2015.
Après plusieurs journées de manifestations violentes partout en France,
l'entreprise américaine Uber
met un terme à plus d'un an de combat.
"Le gouvernement avait déclaré la guerre à ce service
en faisant voter une loi l'interdisant."
"La fin d'UberPop."
"Le groupe américain a décidé de suspendre ce service."
"Les chauffeurs de taxi ont finalement réussi à faire plier Uber."
À l'époque, pas de doute, c'est une défaite pour Uber
et une victoire pour les taxis et le gouvernement.
En réalité, la fin du service UberPop
n'était qu'une étape dans la stratégie de l'entreprise californienne.
Grâce à une fuite de dizaines de milliers de documents internes à Uber,
Le Monde et plusieurs médias internationaux révèlent les coulisses du succès
de l'entreprise californienne.
Notamment comment elle a pu s'implanter en France grâce à une attitude agressive
et à un allié de taille au sein du gouvernement,
pourtant hostile de l'époque : le ministre de l'Économie,
Emmanuel Macron.
En 2011, lorsqu'Uber s'installe en France,
aucun cadre légal n'existe pour le service qu'elle propose.
La mise en relation de clients et de véhicules de tourisme avec chauffeur,
les VTC.
Les taxis y voient une concurrence déloyale et dès 2013,
des manifestations éclatent.
On a acheté des licences à 250 000 et il y a
des VTC qui viennent et qui s'installent sur le marché sans rien payer :
ni charges, ni RSI, ni droits de mutation.
Rien du tout.
Sommé d'agir, le gouvernement commence
à encadrer les VTC plus strictement.
Pour faire face à des taxis en colère et un gouvernement
qu'elle juge trop dur avec elle, Uber va alors déployer
une stratégie agressive.
En février 2014, l'entreprise lance UberPop.
Contrairement au service
Uber classique, n'importe quel particulier
peut s'improviser chauffeur.
C'est illégal et cela entraine une très forte opposition politique
et judiciaire.
La loi Thévenoud confirme son illégalité.
Des arrêtés préfectoraux réaffirment localement l'interdiction du service.
Des plaintes sont déposées, des enquêtes ouvertes
et les locaux d'Uber sont visés par de multiples perquisitions.
Face à tout cela, l'entreprise ne dévie pas de son objectif :
l'expansion.
Quand la justice néerlandaise menace pour la première fois un chauffeur UberPop.
Pierre-Dimitri Gore-Coty,
le directeur France et Europe d'Uber,
explique en interne.
"C'est un risque qu'on a eu sur d'autres marchés.
Il faut continuer à toute vapeur."
Dans les 15 mois qui suivent son lancement, le service est étendu à 9 villes majeures.
Face aux arrêtés préfectoraux d'interdiction,
le directeur général d'Uber France, Thibaud Simphal,
ne se montre pas impressionné.
C'est un arrêté préfectoral, on va le contester.
Pour l'instant, ça ne change rien. Nous, UberPop peut continuer.
En coulisses, les dirigeants s'organisent aussi
pour faire face à la justice.
Ils diffusent en interne un manuel sur les comportements à suivre
en cas de perquisition.
Et ils déploient le Kill Switch : un système informatique qui permet
à distance de bloquer tous les ordinateurs de l'entreprise
et ainsi éviter que la justice n'accède à des documents compromettants.
Le 6 juillet 2015, les dirigeants d'Uber
découvrent qu'une perquisition vise leurs locaux parisiens
et discutent par messages.
"Direction des Finances Publiques à l'accueil.
Sont une vingtaine au total."
"J'imagine qu'on a coupé les accès numériques du bureau de Paris,
donc on communique par SMS ?"
"Oui, ils essaient d'accéder à tous
les ordinateurs pour récupérer des données."
"Suivez la méthode Zachary de Kievit. Essayez quelques ordinateurs.
Prenez l'air confus quand vous n'arrivez pas à vous connecter.
Expliquez que le service informatique est à San Francisco et dort probablement déjà."
"Oh ouais, on a appliqué cette méthode tellement
de fois que maintenant, le plus difficile,
c'est de continuer d'avoir l'air surpris !"
Une heure plus tard, la perquisition se poursuit,
mais l'un d'entre eux semble soulagé.
Ils n'ont rien trouvé.
Alors qu'elle esquive la justice, l'entreprise trouve un soutien
de taille au gouvernement : le ministre de l'Économie,
Emmanuel Macron.
Dans les 2 années qui suivent son entrée au gouvernement,
Emmanuel Macron ou les membres de son cabinet ont rencontré
l'équipe d'Uber au moins 14 fois.
La 1ʳᵉ rencontre a lieu un mois après la nomination du Ministre
et lui permet de s'entretenir avec le fondateur californien
de l'entreprise, Travis Kalanick.
La conseillère d'Emmanuel Macron, Astrid Panosyan,
écrit le jour même au directeur d'Uber France.
"Pierre, transmettez nos remerciements à Travis.
Comme évoqué, nous sommes intéressés par une note
de synthèse qui résumerait vos attentes en matière de réglementation
et votre potentiel d'emplois.
Et dites-nous comment nous pourrions prochainement concrétiser
un événement avec Emmanuel Macron et des candidats à Uber,
dans vos bureaux parisiens.
Ce qui pourrait offrir une image positive."
Côté Uber, Mark MacGann, responsable du lobbying en Europe,
informe ses équipes dès la fin de l'échange.
"En un mot, spectaculaire. Du jamais vu.
Beaucoup de boulot à venir, mais on va danser bientôt."
La proximité entre le ministre de l'Économie et Uber se lit également
dans les dizaines de textos échangés.
"Je vais regarder cela personnellement. Je vous fais confiance à vous."
Et dans les messages que des responsables d'Uber lui envoient.
Le 6 juillet 2015, en plein milieu de la perquisition
des locaux parisiens, Mark MacGann écrit directement
à Emmanuel Macron.
"Désolé de vous embêter, mais déscente en ce moment
d'une vingtaine de fonctionnaires de la direction des finances publiques.
Ils disent qu'ils vont mettre dirigeants en garde à vue.
Pouvez-vous demander à vos services à nous conseiller ?"
Cette fois, le ministre ne répond pas au message.
Cette proximité avec Emmanuel Macron va se révéler particulièrement utile
pour Uber dans le dossier UberPop.
À la fin du mois de juin 2015.
Alors que l'étau se resserre, la stratégie de l'entreprise se précise.
"Si par hasard, Macron t'appelle,
nous devons faire un deal Pop contre annonce publique d'un décret
avec nouvelles conditions d'accès aux VTC."
3 jours plus tard, Mark MacGann et un collègue
rencontrent Emmanuel Lacresse, directeur adjoint
du cabinet d'Emmanuel Macron, puis le ministre
de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.
Lors de cette rencontre, l'un d'entre eux prend des notes
et les envoie à ses collègues.
Pour Cazeneuve, "il ne peut pas y avoir
de discussion avec des interlocuteurs qui ne respectent pas le droit français."
Il est en colère et se montrera "intraitable,
intransigeant dans l'application du droit."
Par 5 fois, les notes indiquent que,
selon le ministre, UberPop doit s'arrêter "tout de suite."
"Je quitte à l'instant Cazeneuve."
"Comment ça s'est passé avec lui ? Mal, j'imagine ?"
"Mal."
Le jour suivant, 1ᵉʳ juillet.
Marc MacGann s'entretient à nouveau avec le directeur
de cabinet d'Emmanuel Macron.
"Bercy soutient Uber."
48 h plus tard, dans un entretien au Monde,
Thibaud Simphal annonce la suspension d'UberPop.
"Pour préserver la sécurité des chauffeurs
Uber, victimes d'actes de violence
et dans un esprit de dialogue avec les pouvoirs publics."
Dans la foulée, le patron Travis Kalanick envoie
lui même un SMS à Emmanuel Macron.
"Est-ce qu'on peut faire confiance à Caz ?"
"Nous avons eu une réunion hier avec le Premier ministre.
Cazeneuve fera taire les taxis et je réunirai tout le monde
la semaine prochaine pour préparer la réforme et corriger la loi.
Caz a accepté le deal."
6 mois plus tard, le gouvernement prend un arrêté
qui abaisse les 250 h de formation pour devenir chauffeur
de VTC à seulement 7 h.
Les dirigeants d'Uber partagent immédiatement leur sentiment.
"Cet arrêté va exactement dans le sens que nous poussons depuis plusieurs mois.
Je considère ce soir que ce texte est une très forte avancée pour nous tous."
En 2022, malgré l'arrêt d'UberPop,
Uber et 2 de ses dirigeants ont été condamnés en appel pour pratique
commerciale trompeuse et complicité d'exercice illégal de l'activité de taxi.
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