法语助手
2024-02-20
Épicurien...Bah !
Il n'y est pas !
Euh...
Je pourrais savoir pourquoi tu fouilles dans mes affaires ?
Je cherche le mot "épicurieux" dans le dictionnaire et je ne le trouve pas.
Et pourtant, je ne suis pas fou.
Il y a 1,6 million d'abonnés qui le connaissent.
Tu ne le trouveras pas.
C'est un mot que j'ai inventé au moment de la création de la chaîne.
Ah bon ?
On peut inventer des mots ?
- Absolument !
Et d'ailleurs, je suis sûr que
tu utilises aujourd'hui des mots qui n'existaient pas il y a dix ans.
Aujourd'hui, je vous emmène à la découverte de la vie secrète des mots
à la Cité internationale de la langue française,
à Villers-Cotterêts, dans l'Aisne.
Et vous allez voir que de leur naissance à leur disparition,
la vie des mots est pleine de rebondissements.
Un véritable roman d'aventures.
Je vous raconte tout ça de A à Z.
Le monument qui se trouve derrière moi a marqué l'histoire de France.
En août 1539, c'est dans ce château de Villers-Cotterêts
que François Iᵉsigné l'ordonnance qui porte le même nom.
À partir de cette date, tous les textes officiels du Royaume,
puis de la République, doivent être rédigés en français.
Toutes les décisions de justice, tous les textes de lois
deviennent compréhensibles par un plus grand nombre de personnes.
Avant cette loi, c'est le latin qui était roi.
Les ancêtres de la plupart des mots que nous utilisons aujourd'hui
sont arrivés dans les valises de Jules César et de ses légionnaires
au Iᵉʳ siècle avant Jésus-Christ,
au moment de la conquête de la Gaule.
Les Romains parlent le latin,
une langue qui va s'imposer sur l'ensemble du territoire.
Et aujourd'hui encore,
plus de 80 % de notre vocabulaire en est issu.
Au fil des siècles, les mots se sont métamorphosés.
Retracer leur transformation permet de remonter aux origines de ces mots
et de mieux comprendre l'évolution de leur signification.
Cette discipline de fin limier s'appelle l'étymologie.
Prenons l'adjectif "curieux" dont je me suis servi pour créer le mot "épicurieux".
Tout est parti du mot "cura" qui, en latin, signifie le soin, le souci.
Son dérivé, l'adjectif "curiosus" qualifiait à l'origine
une personne qui prenait soin des choses, qui s'en inquiétait.
Et puis, avec le temps, ce sens a glissé.
Au XVIᵉ siècle, un curieux est une personne désireuse de savoir ou de voir.
Une personne qui s'inquiète toujours,
mais qui s'inquiète de ce qui se passe chez le voisin.
À l'époque, c'est plutôt mal vu.
Il faut attendre le siècle des Lumières
qui célèbre l'appétit pour la science et le savoir,
pour que la curiosité ne soit plus vue comme un vilain défaut.
Enfin !
De fil en aiguille, de nombreux mots peuvent dériver d'une même racine latine.
Ainsi, au fil du temps, "cura" a donné "incurable", "cure", "curé",
mais les mots peuvent parfois apparaître de façon plus brutale.
Un néologisme, c'est le terme savant pour désigner
un mot nouveau qui apparaît dans une langue et,
comme pour beaucoup de concepts scientifiques ou techniques,
ce mot "néologisme" est né de la fusion de deux mots grecs :
"neos", qui signifie "nouveau" et "logos", la parole.
Avec les mots fusionnés, pas besoin de dictionnaire pour comprendre leur sens,
il suffit de les découper.
Démonstration : en 1792, un nouvel appareil voit le jour.
Il permet d'envoyer des messages à distance
et sera donc naturellement baptisé "télé (loin) -graphe (message)".
Au XIXᵉ siècle, il est détrôné par le "télé-phone" pour se parler à distance
et tout récemment par le "smart-phone", un téléphone intelligent.
Avec cette technique, on peut créer des mots sur mesure à chaque découverte
ou dès qu'il faut expliquer un nouveau phénomène.
Alors, piocher dans le vocabulaire grec,
ça fait très chic,
mais ça marche aussi très bien avec les mots qui existent déjà en français.
En amalgamant les verbes "divulguer" et "gâcher" pour former "divulgâcher",
nos cousins québécois ont brillamment traduit le concept anglais de "spoiler".
Vous savez, cette fâcheuse habitude qu'ont certains de révéler la fin de l'histoire.
Je déteste ça !
Ce type de néologismes qui reposent sur la syllabe commune de deux mots
pour les fusionner s'appelle un mot-valise.
Tenez, pensez au dernier "courriel" que vous avez rédigé en "franglais".
Ah, mais ça me rappelle un autre mot : Épicurieux !
- Parfaitement !
J'ai fusionné les deux adjectifs "épicurien" et "curieux".
OK, j'ai compris le truc !
À mon tour !
Jouer avec les mots, les remanier,
c'est le principal moteur de l'enrichissement de notre vocabulaire.
Ces évolutions passent souvent inaperçues
car beaucoup se font à la marge grâce à de petits éléments
qu'on ajoute en début ou en fin de mot :
les fameux préfixes ou suffixes.
Vous avez peut être réservé un "covoiturage"
en fin de "déconfinement" pour aller à la "recyclerie".
La majorité des nouveaux mots que nous utilisons
vient donc d'une évolution naturelle du français.
Mais nous récupérons aussi des mots ailleurs
et attendez un peu avant de crier à l'invasion de l'anglais !
Pas la peine d'aller si loin,
nous piochons régulièrement dans le vocabulaire des langues régionales :
le basque, le breton, le catalan ou le provençal.
Tenez, si je vous dis :
"T'es fada de jouer à la pétanque sous un cagnard pareil !",
ce sont des termes occitans que nous connaissons tous.
Nous adoptons aussi des créations venues d'autres pays francophones
comme le mot "divulgâcher" dont on a déjà parlé tout à l'heure.
Mais bon, pour tous les usages liés aux nouvelles technologies,
on a quand même tendance à importer
tels quels des mots tout droit venus de Californie.
Je suis sûr que le "streaming", les "podcasts" ou le "scroll"
n'ont aucun secret pour vous !
On ne peut pas empêcher les mots de voyager.
Après l'invasion des Francs, le latin que parlent les Gaulois
intègre des bribes de langue germanique.
C'est l'origine des verbes "marcher", "danser", "gagner".
Au Moyen-Âge, le vocabulaire scientifique s'enrichit de termes arabes.
On découvre l'alchimie, l'algèbre, les élixirs, les algorithmes.
Puis, à la Renaissance, les artistes se servent allègrement de mots venus d'Italie.
Ils peignent des aquarelles, composent des sonates et des opéras.
Avec la mondialisation, les nouveaux mots nous arrivent d'encore plus loin.
Peut-être avez-vous déjà lu un manga
en mangeant des sushis arrosés de quelques gouttes de yuzu.
Les mots en disent long sur l'histoire des échanges entre les peuples.
Ça y est, j'en tiens un !
Une "gourmaudise", une explication que l'on prend plaisir à lire ou à entendre.
Hmmm.
Pas sûr qu'il entre de sitôt dans le dictionnaire, celui-là !
Et d'ailleurs, savez-vous comment un nouveau mot y fait son entrée ?
Il y a plusieurs chemins parce qu'il existe plusieurs dictionnaires.
Le premier auquel on pense, c'est le Dictionnaire de l'Académie française.
Sa première édition date de 1694. Il contenait à l'époque 18 000 mots.
La neuvième édition devrait en compter entre 55 et 60 000.
Il y a encore un peu de suspense parce qu'elle est toujours en cours d'élaboration.
Ça fait plus de 50 ans que les académiciens y travaillent et ils n'en sont qu'à la lettre S. S ?
Mais c'est après le G !
Pffff !
On n'est pas près de voir "gourmaudise" dans le dico !
Ils se réunissent tous les jeudis matin
et passent plusieurs heures à débattre de la définition de chaque mot.
Leurs travaux sont publiés au fur et à mesure au Journal officiel.
Alors c'est vrai que les recommandations des académiciens
sont souvent relayées dans la presse et très commentées,
mais elles n'ont pas valeur de loi.
Ouf !
Je vais pouvoir continuer à raconter n'importe quoi !
Ce que je veux dire par là, c'est qu'un mot n'a pas besoin
d'être reconnu par l'Académie française pour entrer dans d'autres dictionnaires.
Les deux plus connus en France, le Larousse et Le Robert,
sont publiés par des maisons d'édition privées qui sont totalement libres
et ne se privent pas d'intégrer des mots rejetés par les immortels.
C'est le surnom que l'on donne aux académiciens
qui gardent leur siège à vie.
Alors pourquoi certains mots entrent dans le dictionnaire et d'autres pas ?
Toute l'année, les éditeurs du Larousse et du Robert
repèrent l'apparition de nouveaux mots dans un article de journal, une chanson,
une publication scientifique ou au détour d'une banale conversation dans le métro.
Ils doivent ensuite vérifier que l'usage de ce mot est fréquent et répandu.
Scruter ses apparitions dans les médias,
la littérature, mais aussi de plus en plus sur les réseaux sociaux,
c'est un indicateur précieux.
Des logiciels permettent d'ailleurs aujourd'hui
de recenser automatiquement la fréquence d'emploi des mots.
Deuxième critère : l'usage du nouveau mot doit durer dans le temps.
Eh oui, il faut éviter les effets de mode.
Du coup, un néologisme peut être observé
pendant plusieurs années avant d'entrer dans le dictionnaire.
Si l'on examine quelques néologismes admis ces dernières années,
on remarque qu'ils ont un lien avec l'actualité récente,
comme "covidé" ou "vaccinodrome",
un lien avec les enjeux de société,
comme "mégabassine", "microplastique",
"éco-anxiété" ou "grossophobie", ou encore
avec les nouvelles technologies comme "métavers" ou "NFT".
Chaque année, ça fait donc un paquet de nouvelles définitions à ajouter
pour que le dictionnaire reste en phase avec son époque.
Pour le Larousse, le quota de nouveaux mots a été fixé à 150.
Pour le Robert, il n'y a pas de quota, mais ça tourne autour des mêmes chiffres.
Mais alors, ils doivent écrire de plus en plus petit pour tout faire rentrer ?
Ils ont de puissants logiciels de mise en page, mais ça ne suffit pas toujours.
Chez Larousse, les mots les plus poussiéreux sont poussés vers la sortie.
10 % des termes que l'on trouvait dans la première édition du Larousse de 1856 ont,
par exemple, été retirés.
On trouve au cimetière des mots destitués
des adverbes tels que "persévéramment", "processionnellement",
des verbes comme "monseigneuriser" ou "magnétoscoper".
Je l'ai utilisé celui-ci !
Ou encore des adjectifs trop rarement employés, comme "zinzolin".
Oh dommage !
Avec deux Z, il devait valoir des points celui-ci au Scrabble !
Je te rassure, il est encore dans l'édition en ligne.
Et puis, j'ai un scoop !
À part pour les puristes du Scrabble,
rien ne vous interdit d'utiliser des mots qui ne figurent pas dans les dicos.
Les artistes ne s'en privent pas et les journalistes non plus.
Quand ils parlent, par exemple, des "trumpistes"
pour désigner les partisans de l'ancien président américain Donald Trump.
Entrer dans le dictionnaire, ce n'est pas la fin de l'aventure pour un mot.
Notre langue est vivante, leur sens continue d'évoluer au fil du temps.
On l'a bien vu avec l'adjectif "curieux" et c'est vrai pour beaucoup d'autres.
L'adjectif "formidable", par exemple, à l'origine,
était synonyme de "terrible", "redoutable".
Aujourd'hui, on l'emploie dans le sens "merveilleux".
Par ailleurs, nous sommes 250 millions de francophones dans le monde
à parler français tous les jours,
de conversation en conversation, le sens des mots continue de glisser
et on arrive à des sens parfois très différents en fonction des pays,
ce qui peut engendrer quelques malentendus.
Au Québec, par exemple, évitez de parler de vos "gosses" à vos collègues.
Le mot est employé dans la Belle Province pour désigner les testicules !
Et ne vous offusquez pas si un Suisse vous dit "adieu" quand vous le rencontrez,
il vient simplement vous dire bonjour !
Quant à moi, je ne vous fais pas encore mes adieux,
mais pour cette vidéo, voici venu le mot de la fin.
J'espère que cette vidéo vous a plu et surtout,
si vous aimez jouer avec les mots,
n'hésitez pas à pousser la porte de la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.
C'est intrigant, passionnant, étonnant.
Je n'ai pas de mots !
Voilà, il est maintenant l'heure de tourner la page.
Je vous souhaite une excellente semaine sur les réseaux épicurieux !
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