法语助手
2023-11-21
Je suis dans une entreprise il n'y a pas longtemps
et le manager de l'entreprise me dit
« Dans ma boîte, ça fait 25 ans qu'un homme travaille. »
Donc son travail, c'est une finalité,
c'est un marqueur identitaire très fort.
Et dans la même équipe, me dit le manager,
j'ai un garçon de 25 ans qui me dit
« Moi, je travaille deux ans à fond et dans deux ans,
je fais le tour du monde avec ma copine. »
Il ne s'agit pas d'hiérarchiser moralement
et de dire « Le jeune ne veut plus rien faire,
et le plus ancien est beaucoup plus travailleur. »
Cette moraline-là est trop facile et n'apporte rien
et à mon sens, ne comprend rien au changement de place
dans la vie des gens qu'occupe le travail.
Mais, ce qu'on peut remarquer,
c'est que dans le premier cas,
le travail est une finalité.
Dans le deuxième cas,
le travail est un moyen pour s'épanouir dans l'existence.
Mais qui est-ce qui donne le plus de sens à son travail ?
Ce n'est pas le premier, paradoxalement,
c'est le deuxième.
Parce qu'encore une fois,
considérer l'activité de travailler comme ayant un sens en tant que tel,
est un non-sens.
Travailler pour travailler,
manger pour manger,
courir pour courir,
vous prenez toutes les activités que vous voulez,
dès qu'on est dans une activité pour une activité,
on est dans l'absurde, on fait d'un moyen une fin.
Donc, redonner tout son sens,
cette plus jeune génération nous accule
à repenser notre paradigme au sujet du travail.
Considérer le travail comme un moyen
lui redonne paradoxalement tout son sens.
Alors moi je bosse chez Brut,
je suis pas mal sur les réseaux sociaux
et souvent je vois l'argument qu'en gros
les jeunes c'est des fainéants,
qui ont un peu du mal,
dès qu'il y a un effort à faire,
ils râlent, ils veulent pas.
Qu'est-ce que vous en pensez de ça ?
Alors ces jugements de morale en fait finalement
n'ont aucun intérêt parce qu'une fois qu'on a dit ça,
quelles sont les conséquences ?
Aucune à part un dénigrement,
à part une condescendance et en plus
je trouve que factuellement c'est faux.
Vous regardez dans les entreprises,
les jeunes travaillent,
c'est pas parce qu'on a un nouveau mode de travail
comme le télétravail
et un nouveau rapport au sens du travail
qu'on travaille nécessairement moins et moins bien.
Est-ce qu'il n'y a pas un peu une hypocrisie ?
Est-ce qu'en fait tout simplement le travail
c'est un peu ennuyeux, c'est pénible
et plutôt que travailler on préfère aller à la plage, boire des verres
et qu'en fait on a juste envie de moins travailler ?
Exactement et c'est tout à fait louable.
C'est pour ça que je disais le travail ne peut plus être pensé
comme une valeur morale en tant que tel.
Une valeur morale c'est vouloir la chose pour elle-même.
L'amour est une valeur morale,
la générosité est une valeur morale,
le travail ne peut pas l'être.
On a envie de travailler moins qui a envie de travailler plus
même s'il y a des métiers qui permettent un accomplissement
et pour certaines personnes c'est le sens de leur vie.
Mais en tout cas le travail évidemment
est un moyen au service de l'existence.
Donc pour moi ce à quoi on assiste
c'est très valorisant et très intéressant
c'est-à-dire qu'on ne place plus tout ce sens
que vous caractérisiez d'hypocrite dans le travail.
Aujourd'hui on redéplace le travail,
on en fait un moyen
pour s'épanouir, pour s'éclater, pour s'enrichir,
peu importe tout ce que vous voulez.
Mais le but de la vie c'est vraiment la vie
et ce n'est plus du tout le travail.
Et donc ça c'est une très bonne nouvelle.
Gouverner des gens qui veulent moins travailler
c'est plus difficile ?
Alors ce n'est pas forcément travailler moins et produire moins.
Il faut toujours produire.
Le travail est essentiel en ce sens
qu'un pays ne peut pas se passer de travail.
Mais on peut travailler mieux sans doute en travaillant moins.
Ce n'est pas encore une fois un calcul quantitatif d'heures de travail.
La semaine de 4 jours est un très bon exemple.
Les gens ne travaillent pas moins.
Ils travaillent moins en termes de temporalité bien sûr.
Mais ils ne travaillent pas moins bien.
Donc tout l'enjeu
c'est de faire en sorte qu'on travaille le moins de temps possible
et le plus efficacement possible.
Est-ce que cette réflexion finalement,
quand on dit des travailleurs qui cherchent du sens etc.
Est-ce qu'on ne s'intéresse pas un peu aux travailleurs CSP+,
qui ont des métiers intellectuels
et pas aux travailleurs manuels ?
Oui, vous avez raison.
On rétorque souvent ça
mais c'est un faux argument à mon sens.
Parce que plus le métier est difficile, pénible, simple,
plus le sens est immédiat.
Pourquoi on va à l'usine ?
C'est pour nourrir ses enfants et pour avoir un salaire.
Et ce qui est très intéressant avec les métiers manuels
c'est qu'on se rend compte aujourd'hui
qu'il y a un phénomène qui n'est même plus un épiphénomène,
où beaucoup de gens quittent tout
alors qu'ils ont des très beaux métiers,
des belles formations, des belles rémunérations,
tout ce que vous voulez.
Et la plupart du temps, c'est toujours pour la même chose,
soit un métier manuel, soit un métier relationnel.
C'est-à-dire où il y a de la matière concrète
et où on voit immédiatement le sens,
la finalité de manière concrète et tangible
de ce qu'on est en train d'entreprendre.
Donc aujourd'hui, les métiers qui font le plus sens
sont les métiers qui ont vraiment de la matière.
Et la technicisation des tâches,
la technicisation des métiers font que
parfois les métiers les plus intellectuels, les plus abstraits
créent une souffrance liée à l'absence de sens.
C'est tellement technique
qu'on ne voit plus la finalité de ce que font les gens.
Je prends souvent un exemple.
Quand j'ai rencontré quelqu'un qui me dit
« je suis coordinateur de flux »
et il me rajoute de flux transverse pour bien préciser des choses,
vous voyez bien que ce n'est pas un métier manuel,
que c'est très abstrait,
mais c'est tellement technique
qu'on ne voit plus à quoi correspond ce type de métier.
– Comment vous envisagez le futur de notre rapport au travail ?
– Écoutez, moi je crois que ça va dans une…
je n'aime pas les prédictions hasardeuses,
bien sûr j'en sais rien, mais en tout cas on voit,
on sent comme une force qui va,
qu'on va vers plus de libération dans toutes les sphères de notre société.
Ce n'est pas seulement sur le travail.
On s'auto-médicamente beaucoup plus.
Les mouvements politiques s'auto-instituent.
En marche, Zemmour, les Gilets jaunes.
À l'école, ce n'est plus l'autorité d'y mettre qui compte,
c'est la psychologie de l'enfant.
Donc vous voyez bien qu'il y a un mouvement d'individualisation.
Les auto-entrepreneurs, les libéraux ne cessent d'augmenter.
Donc vous voyez bien
qu'il y a un mouvement d'individualisation, d'autonomisation
qui va très fort et contre lequel il est vain,
à mon sens, de lutter.
沙发还没有被抢走,赶紧过来坐会吧